Messieurs les cardinaux, vénérés frères dans l’épiscopat et dans le sacerdoce, chers
frères et sœurs !
Je suis heureux de vous accueillir, à l’occasion de la session plénière du Conseil
pontifical pour la pastorale des migrants et des personnes en déplacement : la
vingtième depuis que, il y a vingt-cinq ans, le bienheureux Jean-Paul II éleva au
rang de Conseil pontifical la précédente Commission pontificale. Je me réjouis avec
vous de cet objectif atteint et je rends grâce au Seigneur pour ce qu’il a permis de
réaliser. Je salue avec affection le président, le cardinal Antonio Maria Vegliò, et je
lui suis reconnaissant de s’être fait l’interprète des sentiments de tous. Je salue le
secrétaire, les membres, les consulteurs et les officiaux du dicastère. Je vous
remercie de l’attention dont vous faites preuve à l’égard de tant de situations
difficiles dans le monde. Pour votre part, cher cardinal, vous avez mentionné la
Syrie et le Proche-Orient, qui sont toujours présents dans mes prières.
Votre rencontre a pour thème « La sollicitude pastorale de l’Église dans le contexte
des migrations forcées », en concomitance avec la publication du document du
dicastère intitulé Accueillir le Christ chez les refugiés et chez les personnes
déracinées de force. Le document attire l’attention sur les millions de réfugiés, de
déplacés et d’apatrides, en touchant également la plaie des trafics d’êtres humains,
qui concernent toujours plus souvent les enfants, impliqués dans les pires formes
d’exploitation et même enrôlés dans les conflits armés. Je réaffirme que « la traite
des personnes » est une activité ignoble, une honte pour nos sociétés qui se disent
civilisées ! Les exploiteurs et les clients à tous les niveaux devraient effectuer un
sérieux examen de conscience devant eux-mêmes et devant Dieu ! L’Église
renouvelle aujourd’hui son appel puissant, afin que soient toujours protégées la
dignité et la place centrale de chaque personne, dans le respect des droits
fondamentaux, comme le souligne sa doctrine sociale, des droits qu’elle demande
que l’on étende réellement là où ils ne sont pas reconnus à des millions d’hommes
et de femmes sur chaque continent. Dans un monde dans lequel on parle beaucoup
de droits, combien de fois la dignité humaine est-elle en réalité piétinée ! Dans un
monde où l’on parle tant de droits, il semble que le seul à les avoir soit l’argent.
Chers frères et sœurs, nous vivons dans un monde où l’argent commande. Nous
vivons dans un monde, dans une culture où règne le fétichisme de l’argent.
Vous avez à juste titre pris à cœur les situations où la famille des nations est
appelée à intervenir, dans un esprit de solidarité fraternelle, avec des programmes
de protection, souvent en présence d’événements dramatiques, qui frappent
presque quotidiennement la vie de nombreuses de personnes. Je vous exprime mon
appréciation et ma reconnaissance, et je vous encourage à poursuivre la route du
service à nos frères les plus pauvres et laissés-pour-compte. Rappelons les paroles
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de Paul VI : « Pour l’Eglise catholique personne n’est étranger, personne n’est
exclu, personne n’est loin » (Homélie pour la clôture du Concile Vatican ii, 8
décembre 1965). Nous sommes en effet une seule famille humaine qui, dans la
multiplicité de ses différences, marche vers l’unité, en valorisant la solidarité et le
dialogue entre les peuples.
L’Église est mère et son attention maternelle se manifeste avec une tendresse et
une proximité particulière à l’égard de ceux qui sont obligés de fuir de leur pays et
de vivre entre le déracinement et l’intégration. Cette tension détruit les personnes.
La compassion chrétienne — ce « souffrir avec », com-passion — s’exprime tout
d’abord dans l’engagement de connaître les événements qui poussent à quitter de
manière forcée sa patrie et, là où cela est nécessaire, à donner voix à ceux qui ne
réussissent pas à faire entendre le cri de la douleur et de l’oppression. Dans ce
domaine, vous accomplissez une tâche importante, également en sensibilisant les
communautés chrétiennes à l’égard de nombreux frères frappés par des blessures
qui marquent leur existence : violences, abus, éloignement des liens familiaux,
événements traumatisants, fuite de chez eux, incertitude quant à l’avenir dans les
camps de réfugiés. Tous ces éléments déshumanisent et doivent inciter chaque
chrétien et toute la communauté à faire preuve d’une attention concrète.
Mais aujourd’hui, chers amis, je voudrais vous inviter tous à apercevoir dans les
yeux et dans le cœur des réfugiés et des personnes déracinées par la force,
également la lumière de l’espérance. Une espérance qui s’exprime dans les attentes
pour l’avenir, dans l’envie de relations d’amitié, dans le désir de participer à la
société qui les accueille, également à travers l’apprentissage de la langue, l’accès
au travail et l’instruction pour les plus petits. J’admire le courage de ceux qui
espèrent pouvoir graduellement reprendre une vie normale, dans l’attente que la
joie et l’amour recommencent à réjouir leur existence. Nous pouvons et nous
devons tous nourrir cette espérance!
J’invite en particulier les gouvernants et les législateurs et toute la communauté
internationale à considérer la situation des personnes déracinées de force avec des
initiatives efficaces et de nouvelles approches pour protéger leur dignité, améliorer
leur qualité de vie et faire face aux défis qui apparaissent de formes modernes de
persécution, d’oppression et d’esclavage. Je souligne qu’il s’agit de personnes
humaines, qui font appel à la solidarité et à l’assistance, qui ont besoin
d’interventions urgentes, mais également et surtout de compréhension et de bonté.
Dieu est bon, imitons Dieu. Leur condition ne peut pas laisser indifférents. Et nous,
en tant qu’Église, nous rappelons qu’en soignant les blessures des réfugiés, des
déplacés et des victimes des trafics, nous mettons en pratique le commandement
de la charité que Jésus nous a laissé, quand il s’est identifié à l’étranger, à celui qui
souffre, à toutes les victimes innocentes de violences et d’exploitation. Nous
devrions relire plus souvent le chapitre 25 de l’Évangile selon Matthieu, où l’on
parle du jugement dernier (cf. vv. 31-46). Et ici, je voudrais également rappeler
l’attention que chaque Pasteur et communauté chrétienne doivent avoir pour le
chemin de foi des chrétiens réfugiés et déracinés de force de leur environnement,
ainsi que des chrétiens émigrants. Ils demandent un soin pastoral particulier qui
respecte leurs traditions et les accompagne à une intégration harmonieuse dans les
contextes ecclésiaux dans lesquels ils se retrouvent pour vivre. Que nos
communautés chrétiennes soient vraiment des lieux d’accueil, d’écoute, de
communion !
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Chers amis, n’oubliez pas la chair du Christ qui est dans la chair des réfugiés: leur
chair est la chair du Christ. C’est également à vous qu’il revient d’orienter vers de
nouvelles formes de coresponsabilité tous les organismes engagés dans le domaine
des migrations forcées. Malheureusement, il s’agit d’un phénomène en pleine
expansion, et votre tâche est donc toujours plus exigeante, pour permettre des
réponses concrètes de proximité et d’accompagnement des personnes, en tenant
compte des diverses situations locales.
J’invoque sur chacun de vous la protection maternelle de la Très Sainte Vierge
Marie, afin qu’elle illumine votre réflexion et votre action. Pour ma part, je vous
assure de ma prière, de ma proximité et également de l’admiration pour tout ce
que vous faites dans ce domaine, alors que je vous bénis de tout cœur. Merci.