Excellences, Mesdames et Messieurs,
Je salue cordialement les participants à l’Événement de solidarité, promu à
l’occasion du 30e anniversaire du Système d’intégration centraméricain, auquel
le Saint-Siège participe en tant qu’Observateur extrarégional depuis 2012. Cette
initiative entend mobiliser des soutiens pour améliorer la situation des personnes
déplacées de force et des communautés qui les accueillent dans la région de
l’Amérique centrale et du Mexique.
Le mot solidarité, qui est au centre de cet événement, acquiert un sens encore
plus grand en cette ère de crise pandémique, une crise qui a mis à l’épreuve le
monde entier, pays pauvres comme pays riches.
La crise sanitaire, économique et sociale provoquée par le covid-19 a rappelé à
tous que les êtres humains sont comme de la poussière. Mais une poussière
précieuse aux yeux de Dieu, qui nous a constitués en une seule famille humaine.
Et de même que la famille naturelle éduque à la fidélité, à la sincérité, à la
coopération et au respect, promouvant la planification d’un monde habitable et
croyant aux relations de confiance, même dans des conditions difficiles, de
même la famille des nations est appelée à porter son attention commune sur
tous. , en particulier les membres les plus petits et les plus vulnérables, sans
céder à la logique de la concurrence et des intérêts particuliers.
Au cours de ces derniers longs mois de pandémie, la région d’Amérique centrale
a vu se dégrader des conditions sociales déjà précaires et complexes en raison
d’un système économique injuste. Ce système use la famille, cellule
fondamentale de la société. Et ainsi des personnes « sans la chaleur d’un foyer,
sans famille, sans communauté, sans appartenance », se retrouvent déracinées
et orphelines, à la merci de « situations de grand conflit et sans solution rapide :
violences conjugales, féminicides [.. .], les bandes armées et les criminels, le
trafic de drogue, l’exploitation sexuelle des mineurs et non plus des mineurs ».
Ces facteurs, conjugués à la pandémie et à la crise climatique caractérisée par
une sécheresse de plus en plus intense et des ouragans de plus en plus
fréquents, ont donné à la mobilité humaine la connotation d’un phénomène de
masse forcée, la faisant prendre des allures d’exode régional.
Malgré le sens inné de l’hospitalité des peuples d’Amérique centrale, les
restrictions sanitaires ont influencé la fermeture de nombreuses frontières.
Beaucoup sont restés à mi-chemin, sans possibilité d’avancer ou de reculer.
La pandémie a également mis en évidence la fragilité des personnes déplacées à
l’intérieur du pays, qui « ne relèvent toujours pas du système de protection
internationale prévu par le droit international des réfugiés » et restent souvent
sans protection adéquate.
Par ailleurs, dans les différentes phases de déplacement, tant internes
qu’externes, se multiplient les cas de traite des êtres humains, qui « est un fléau
dans le corps de l’humanité contemporaine, un fléau dans la chair du Christ.
C’est un crime contre l’humanité.
Excellences, Mesdames et Messieurs,
Ce que j’ai présenté ici sont quelques-uns des défis les plus importants
concernant la mobilité humaine, un phénomène qui a caractérisé l’histoire de
l’être humain et qui « porte avec lui de grandes promesses » pour l’avenir de
l’humanité.
Dans ce contexte, le Saint-Siège, tout en réaffirmant le droit exclusif des États à
gérer leurs frontières, attend un engagement régional commun, solide et
coordonné, destiné à placer la personne et sa dignité au centre de tout exercice
politique. En effet, « le principe de la centralité de la personne humaine […] nous
oblige à toujours faire passer la sécurité personnelle avant la sécurité nationale
[…] Les conditions des migrants, demandeurs d’asile et réfugiés exigent qu’on
leur garantisse un personnel de sécurité et un accès aux services de base».
En plus de ces protections, il est nécessaire d’adopter des mécanismes
internationaux spécifiques qui donnent une protection concrète et reconnaissent
le « drame souvent invisible » des personnes déplacées internes, reléguées « au
second plan de l’agenda politique national ».
Des mesures similaires doivent être prises à l’égard de nos nombreux frères et
sœurs qui sont contraints de fuir en raison du déclenchement de la grave crise
climatique. Ces mesures doivent s’accompagner de politiques régionales de
protection de notre « maison commune » visant à atténuer l’impact à la fois des
phénomènes climatiques et des catastrophes environnementales causées par
l’homme dans son travail d’accaparement des terres, de déforestation et
d’appropriation de l’eau. Ces violations portent gravement atteinte aux trois
domaines fondamentaux du développement humain intégral : la terre, le
logement et le travail.
En ce qui concerne la traite des personnes, ce fléau doit être prévenu par le
soutien aux familles et l’éducation, et les victimes doivent être protégées avec
des programmes qui garantissent leur sécurité, « la protection de la vie privée,
un logement sûr et une assistance sociale et psychologique adéquate ». Les
jeunes enfants et les femmes méritent une attention particulière. « Les femmes
sont sources de vie. Pourtant, elles sont continuellement offensées, battues,
violées, amenées à se prostituer et à supprimer la vie qu’elles portent dans leur
ventre. Toute violence infligée aux femmes est une profanation de Dieu, née
d’une femme ». Comme le disait saint Jean-Paul II, « la femme ne peut pas
devenir un « objet » de « domination » masculine « et de « possession ». Nous
sommes tous appelés à soutenir une éducation qui promeut l’égalité, le respect
et l’honneur fondamentaux que les femmes méritent.
La pandémie a entraîné une « crise éducative sans précédent », exacerbée par
des restrictions et un isolement forcé qui ont mis en évidence les inégalités
existantes et accru le risque que les plus vulnérables ne tombent dans les
réseaux de trafic à l’intérieur et à l’extérieur des frontières nationales. Face aux
nouveaux défis, la coopération internationale doit être intensifiée pour prévenir
la traite, protéger les victimes et poursuivre les contrevenants. Cette action
synergique bénéficiera, dans une large mesure, de la participation des
organisations religieuses et des Églises locales, qui offrent non seulement une
assistance humanitaire mais aussi un accompagnement spirituel aux victimes.
En période de souffrance incommensurable causée par la pandémie, la violence
et les catastrophes environnementales, la dimension spirituelle ne peut et ne
doit pas être reléguée au second plan par rapport à la protection de la santé
physique. « La condition pour construire des sociétés inclusives est dans une
compréhension globale de la personne humaine, qui se sent vraiment accueillie
lorsque toutes les dimensions qui constituent son identité sont reconnues et
acceptées, y compris la dimension religieuse ».
Excellences, Mesdames et Messieurs,
face à tant de défis pressants, l’appel sincère à construire une « société humaine
et fraternelle […] capable de travailler pour assurer de manière efficace et stable
que tous soient accompagnés sur le chemin de leur vie » s’applique également à
cette région. C’est un effort commun qui dépasse les frontières nationales pour
permettre l’échange régional : « L’intégration culturelle, économique et politique
avec les peuples environnants doit s’accompagner d’un processus éducatif qui
valorise la valeur de l’amour du prochain, premier exercice indispensable pour
obtenir une saine intégration universelle ».
La coopération multilatérale est un outil précieux pour promouvoir le bien
commun, en accordant une attention particulière aux causes profondes et
nouvelles des personnes déplacées de force, afin que « les frontières ne soient
pas des zones de tension, mais des bras ouverts de réconciliation ». Aujourd’hui
« nous sommes […] confrontés au choix entre l’une des deux voies possibles :
l’une mène au renforcement du multilatéralisme […] ; l’autre privilégie des
attitudes d’autosuffisance, de nationalisme, de protectionnisme, d’individualisme
et d’isolement, laissant de côté les plus pauvres, les plus vulnérables, les
habitants des périphéries existentielles ».
L’Église chemine avec les peuples d’Amérique centrale, qui ont su affronter les
crises avec courage et être des communautés d’accueil et les exhorte à
persévérer dans la solidarité dans une confiance mutuelle et une espérance
audacieuse.
Je vous remercie de tout mon cœur et j’invoque la Bénédiction du Seigneur sur
vous tous et les nations que vous représentez.