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DISCOURS DU PAPE FRANÇOIS AUX PARTICIPANTS À LA RENCONTRE ORGANISÉE PAR LE CONSEIL PONTIFICAL JUSTICE ET PAIX POUR LE 50° ANNIVERSAIRE DE L’ENCYCLIQUE PACEM IN TERRIS

[…] En parlant de paix, en parlant de la crise économique mondiale inhumaine, qui
est un symptôme grave du manque de respect pour l’homme, je ne peux manquer
de rappeler avec une grande douleur les nombreuses victimes du nouveau naufrage
tragique qui a eu lieu aujourd’hui au large des côtes de Lampedusa. Un mot me
vient à l’esprit : honte ! C’est une honte ! Prions ensemble Dieu pour ceux qui ont
perdu la vie : hommes, femmes, enfants, pour les familles et pour tous les réfugiés.
Unissons nos efforts afin que de telles tragédies ne se répètent plus. Seule une
collaboration résolue de tous peut aider à les empêcher.[…]

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VISITE PASTORALE À CAGLIARI RENCONTRE AVEC LE MONDE DU TRAVAIL DISCOURS DU PAPE FRANÇOIS

[…] Cette ville est la deuxième que je visite en Italie. C’est curieux, toutes les deux
— la première et celle-ci — sont des îles. Dans la première, j’ai vu la souffrance de
tant de personnes qui cherchent, en risquant leur vie, dignité, pain, santé, le
monde des réfugiés. Et j’ai vu la réponse de cette ville, qui — tout en étant une île
— n’a pas voulu s’isoler, et accueille celui-ci, le fait sien, et nous donne un exemple
d’accueil : souffrance et réponse positive. Ici, dans cette deuxième ville-île que je
visite, je trouve aussi de la souffrance. Une souffrance dont l’un de vous a dit
qu’elle « t’affaiblit et finit par te voler l’espérance ». Une souffrance, le manque de
travail, qui te conduit — excusez-moi si j’utilise des mots un peu forts, mais je dis
la vérité —, qui te conduit à te sentir sans dignité ! Et là où il n’y a pas de travail,
manque la dignité ! Et ceci n’est pas seulement un problème de la Sardaigne —
même s’il est grand ici ! — ce n’est pas un problème de l’Italie ou de certains pays
d’Europe, c’est le résultat d’un choix mondial, d’un système économique qui conduit
à cette tragédie ; un système économique qui a en son centre une idole, qui
s’appelle l’argent. […]

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VISITE AU CENTRE ASTALLI DE ROME POUR LES RÉFUGIÉS DISCOURS DU PAPE FRANÇOIS

Chers frères et sœurs, bon après-midi !
Je vous salue avant tout, vous les réfugiés et réfugiées. Nous avons écouté Adam
et Carol : merci de vos témoignages forts, poignants. Chacun de vous, chers amis,
porte en lui une histoire de vie qui nous parle de drames de guerres, de conflits,
souvent liés aux politiques internationales. Mais chacun de vous porte surtout une
richesse humaine et religieuse, une richesse à accueillir, non à craindre. Un grand
nombre d’entre vous sont musulmans, d’autres religions ; vous venez de divers
pays, de situations différentes. Nous ne devons pas avoir peur des différences ! La
fraternité nous fait découvrir qu’elles sont une richesse, un don pour tous ! Vivons
la fraternité !
Rome ! Après Lampedusa et les autres lieux d’arrivée, pour de nombreuses
personnes, notre ville est la deuxième étape. Souvent — nous l’avons entendu —
c’est un voyage difficile, exténuant, parfois violent qui a été affronté, je pense en
particulier aux femmes, aux mères, qui supportent tout cela pour assurer un avenir
à leurs enfants et une espérance de vie différente pour elles-mêmes et leur famille.
Rome devrait être la ville qui permet de retrouver une dimension humaine, de
recommencer à sourire. Combien de fois, en revanche, ici, comme en d’autres
lieux, de nombreuses personnes dont le permis de séjour porte la mention «
protection internationale », sont contraintes de vivre dans des situations de
difficulté, parfois dégradantes, sans la possibilité de commencer une vie digne, de
penser à un nouvel avenir !
Merci alors à ceux qui, comme ce centre et d’autres services, ecclésiaux, publics et
privés, se donnent du mal pour accueillir ces personnes avec un projet. Merci au
père Giovanni et à ses confrères, à vous, professionnels, bénévoles, bienfaiteurs,
qui ne donnez pas seulement quelque chose ou du temps, mais qui cherchez à
entrer en relation avec les demandeurs d’asile et les réfugiés, en les reconnaissant
comme des personnes, en vous engageant à trouver des réponses concrètes à leurs
besoins. Garder toujours vivante l’espérance ! Aider à retrouver la confiance !
Montrer qu’avec l’accueil et la fraternité on peut ouvrir une fenêtre sur l’avenir —
plus qu’une fenêtre, une porte, et encore davantage —, on peut encore avoir un
avenir ! Et il est beau que ceux qui travaillent pour les réfugiés, avec les jésuites,
soient des hommes et des femmes chrétiens et aussi non-croyants ou d’autres
religions, unis au nom du bien commun, qui pour nous chrétiens est spécialement
l’amour du Père en Jésus Christ. Saint Ignace de Loyola souhaita qu’il existe un lieu
pour accueillir les plus pauvres dans les locaux où il avait sa résidence à Rome, et
le père Arrupe, en 1981, fonda le Service jésuite des réfugiés et il voulut que le
siège romain se situe dans ces locaux, au cœur de la ville. Et je pense à ce congé
spirituel du père Arrupe en Thaïlande, précisément dans un centre pour réfugiés.
Servir, accompagner, défendre : trois mots qui sont le programme de travail pour
les jésuites et leurs collaborateurs.

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Servir. Qu’est-ce que cela signifie ? Servir signifie accueillir la personne qui arrive,
avec attention ; cela signifie se pencher sur qui est dans le besoin et lui tendre la
main, sans calculs, sans crainte, avec tendresse et compréhension, comme Jésus
s’est penché pour laver les pieds des apôtres. Servir signifie travailler aux côtés des
plus nécessiteux, établir tout d’abord avec eux des relations humaines, de
proximité, des liens de solidarité. Solidarité, ce mot qui fait peur au monde
développé. On cherche à ne pas le prononcer. C’est presque un gros mot pour eux.
Mais c’est notre mot ! Servir signifie reconnaître et accueillir les questions de
justice, d’espérance, et chercher ensemble des routes, des parcours concrets de
libération.
Les pauvres sont aussi des maîtres privilégiés de notre connaissance de Dieu. Leur
fragilité et leur simplicité démasquent nos égoïsmes, nos fausses assurances, nos
prétentions d’autosuffisance et nous guident à l’expérience de la proximité et de la
tendresse de Dieu, à recevoir dans notre vie son amour, sa miséricorde de père qui,
avec discrétion et une confiance patiente, prend soin de nous, de nous tous.
De ce lieu d’accueil, de rencontre et de service, je voudrais alors poser une
question à tous, à toutes les personnes qui habitent ici, dans ce diocèse de Rome :
est-ce que je me penche sur qui est en difficulté ou bien ai-je peur de me salir les
mains ? Suis-je refermé sur moi-même, sur mes affaires, ou est-ce que je me
rends compte de qui a besoin d’aide ? Est-ce que je sers seulement ma personne
ou est-ce que je sais servir les autres, comme le Christ qui est venu pour servir
jusqu’à donner sa vie ? Est-ce que je regarde dans les yeux ceux qui demandent
justice ou est-ce que je tourne mon regard de l’autre côté pour ne pas regarder
leurs yeux ?
Deuxième mot : accompagner. Ces dernières années, le centre Astalli a parcouru
un chemin. Au début, il offrait des services de première nécessité : une cantine, des
lits d’accueil, une assistance juridique. Puis il a appris à accompagner les personnes
dans leur recherche d’un travail et d’une insertion sociale. Et il a donc également
proposé des activités culturelles, pour contribuer à faire grandir une culture de
l’accueil, une culture de la rencontre et de la solidarité, à partir de la protection des
droits humains. L’accueil ne suffit pas à lui seul. Il ne suffit pas de donner un
sandwich si cela n’est pas accompagné par la possibilité d’apprendre à marcher par
ses propres moyens. La charité qui laisse le pauvre tel qu’il est n’est pas suffisante.
La véritable miséricorde, celle que Dieu nous donne et nous enseigne, demande la
justice, demande que le pauvre trouve la voie pour ne plus être tel. Elle demande
— et elle le demande à nous Église, à nous ville de Rome, aux institutions —, elle
demande que personne ne doive plus avoir besoin d’être nourri, d’un logement de
fortune, d’un service d’assistance juridique pour voir reconnu son droit à vivre et à
travailler, à être pleinement une personne. Adam a dit : « Nous, les réfugiés, avons
le devoir de faire de notre mieux pour être intégrés en Italie ». Et cela est un droit :
l’intégration ! Et Carol a dit : « Les Syriens en Europe sentent la grande
responsabilité de ne pas être un poids, nous voulons nous sentir une partie active
d’une société nouvelle ». Cela aussi est un droit ! Voilà, cette responsabilité est la
base éthique, elle est la force pour construire ensemble. Je me demande : nous,
accompagnons-nous ce chemin ?
Troisième mot : défendre. Servir, accompagner veut aussi dire défendre, cela veut
dire se mettre du côté de celui qui est plus faible. Combien de fois élevons-nous
notre voix pour défendre nos droits, mais combien de fois sommes-nous

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indifférents envers les droits des autres ! Combien de fois ne savons-nous pas ou
ne voulons-nous pas donner la parole à qui — comme vous — a souffert et souffre,
à qui a vu ses droits foulés aux pieds, à qui a vu tant de violence qu’elle a étouffé
jusqu’à son désir d’avoir justice !
Pour toute l’Église, il est important que l’accueil du pauvre et la promotion de la
justice ne soient pas seulement confiés à des « spécialistes », mais soient une
attention de toute la pastorale, de la formation des futurs prêtres et religieux, de
l’engagement normal de toutes les paroisses, les mouvements et les
rassemblements ecclésiaux. En particulier — cela est important et je vous le dis de
tout cœur — je voudrais inviter également les instituts religieux à lire sérieusement
et avec responsabilité ce signe des temps. Le Seigneur appelle à vivre avec plus de
courage et de générosité l’accueil dans les communautés, dans les maisons, dans
les couvents vides. Très chers religieux et religieuses, les couvents vides ne servent
pas à l’Église pour les transformer en hôtels et gagner de l’argent. Les couvents
vides ne vous appartiennent pas, ils sont pour la chair du Christ, que sont les
réfugiés. Le Seigneur appelle à vivre avec plus de courage et de générosité l’accueil
dans les communautés, dans les maisons, dans les couvents vides. Assurément, ce
n’est pas quelque chose de simple ; le discernement et la responsabilité sont
nécessaires, mais le courage est aussi nécessaire. Nous faisons tant, peut-être
sommes-nous appelés à faire davantage, en accueillant et en partageant avec
décision ce que la Providence nous a donné pour servir. Surmonter la tentation de
la mondanité spirituelle pour être proches des personnes simples et surtout des
derniers. Nous avons besoin de communautés solidaires qui vivent l’amour de
manière concrète !
Chaque jour, ici et dans d’autres centres, tant de personnes, surtout des jeunes,
font la queue pour un repas chaud. Ces personnes nous rappellent les souffrances
et les drames de l’humanité. Mais cette queue nous dit aussi que faire quelque
chose, maintenant, tous, est possible. Il suffit de frapper à la porte, et d’essayer de
dire : « Je suis là. Comment puis-je aider ? ».
Je vous remercie pour votre accueil dans cette maison. Merci! Merci de votre
témoignage, merci de votre aide, merci de vos prières, merci du désir, de l’envie
d’aller de l’avant, de lutter et d’aller de l’avant. Merci de défendre votre, notre
dignité humaine. Merci beaucoup. Que Dieu vous bénisse, tous !

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PAPE FRANÇOIS ANGÉLUS

[…] Qu’aucun effort ne soit épargné pour garantir une assistance humanitaire à
ceux qui sont touchés par ce terrible conflit, particulièrement aux réfugiés dans ce
Pays et aux nombreux réfugiés dans les pays voisins. Que soit garantie aux agents
humanitaires engagés à alléger les souffrances de la population, la possibilité de
prêter l’aide nécessaire.[…]

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MESSAGE DU PAPE FRANÇOIS POUR LA JOURNÉE MONDIALE DES MIGRANTS ET DES RÉFUGIÉS (2014)

Chers frères et sœurs !
Nos sociétés font l’expérience, comme cela n’est jamais arrivé auparavant dans
l’histoire, de processus d’interdépendance mutuelle et d’interaction au niveau
mondial, qui, s’ils comprennent aussi des éléments problématiques ou négatifs, ont
pour objectif d’améliorer les conditions de vie de la famille humaine, non seulement
dans ses aspects économiques, mais aussi dans ses aspects politiques et culturels.
Du reste, chaque personne appartient à l’humanité et partage l’espérance d’un
avenir meilleur avec toute la famille des peuples. De cette constatation est né le
thème que j’ai choisi pour la Journée mondiale du Migrant et du Réfugié de cette
année: « Migrants et réfugiés : vers un monde meilleur ».
Parmi les résultats des mutations modernes, le phénomène croissant de la mobilité
humaine émerge comme un « signe des temps » ; ainsi l’a défini le Pape Benoît XVI
(cf. Message pour la Journée Mondiale du Migrant et du Réfugié 2006). Si d’une
part, en effet, les migrations trahissent souvent des carences et des lacunes des
États et de la Communauté internationale, de l’autre elles révèlent aussi l’aspiration
de l’humanité à vivre l’unité dans le respect des différences, l’accueil et l’hospitalité
qui permettent le partage équitable des biens de la terre, la sauvegarde et la
promotion de la dignité et de la centralité de tout être humain.
Du point de vue chrétien, aussi bien dans les phénomènes migratoires, que dans
d’autres réalités humaines, se vérifie la tension entre la beauté de la création,
marquée par la Grâce et la Rédemption, et le mystère du péché. À la solidarité et à
l’accueil, aux gestes fraternels et de compréhension, s’opposent le refus, la
discrimination, les trafics de l’exploitation, de la souffrance et de la mort. Ce sont
surtout les situations où la migration n’est pas seulement forcée, mais même
réalisée à travers diverses modalités de traite des personnes et de réduction en
esclavage qui causent préoccupation. Le « travail d’esclave » est aujourd’hui
monnaie courante ! Toutefois, malgré les problèmes, les risques et les difficultés à
affronter, ce qui anime de nombreux migrants et réfugiés c’est le binôme confiance
et espérance ; ils portent dans leur cœur le désir d’un avenir meilleur non
seulement pour eux-mêmes, mais aussi pour leurs familles et pour les personnes
qui leur sont chères.
Que comporte la création d’un « monde meilleur » ? Cette expression ne fait pas
allusion naïvement à des conceptions abstraites ou à des réalités hors d’atteinte,
mais oriente plutôt à la recherche d’un développement authentique et intégral, à
travailler pour qu’il y ait des conditions de vie dignes pour tous, pour que les
exigences des personnes et des familles trouvent de justes réponses, pour que la
création que Dieu nous a donnée soit respectée, gardée et cultivée. Le Vénérable
Paul VI décrivait avec ces mots les aspirations des hommes d’aujourd’hui : « être
affranchis de la misère, trouver plus sûrement leur subsistance, la santé, un emploi
stable ; participer davantage aux responsabilités, hors de toute oppression, à l’abri

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des situations qui offensent leur dignité d’hommes ; être plus instruits ; en un mot,
faire, connaître, et avoir plus, pour être plus » (Lett. enc. Populorum progressio, 26
mars 1967, n. 6).
Notre cœur désire un « plus » qui n’est pas seulement un connaître plus ou un avoir
plus, mais qui est surtout un être plus. Le développement ne peut être réduit à la
simple croissance économique, obtenue, souvent sans regarder aux personnes plus
faibles et sans défense. Le monde peut progresser seulement si l’attention première
est dirigée vers la personne ; si la promotion de la personne est intégrale, dans
toutes ses dimensions, incluse la dimension spirituelle ; si personne n’est délaissé,
y compris les pauvres, les malades, les prisonniers, les nécessiteux, les étrangers
(cf. Mt 25, 31-46); si on est capable de passer d’une culture du rejet à une culture
de la rencontre et de l’accueil.
Migrants et réfugiés ne sont pas des pions sur l’échiquier de l’humanité. Il s’agit
d’enfants, de femmes et d’hommes qui abandonnent ou sont contraints
d’abandonner leurs maisons pour diverses raisons, et qui partagent le même désir
légitime de connaître, d’avoir mais surtout d’être plus. Le nombre de personnes qui
émigrent d’un continent à l’autre, de même que celui de ceux qui se déplacent à
l’intérieur de leurs propres pays et de leurs propres aires géographiques, est
impressionnant. Les flux migratoires contemporains constituent le plus vaste
mouvement de personnes, sinon de peuples, de tous les temps. En marche avec les
migrants et les réfugiés, l’Église s’engage à comprendre les causes qui sont aux
origines des migrations, mais aussi à travailler pour dépasser les effets négatifs et à
valoriser les retombées positives sur les communautés d’origine, de transit et de
destination des mouvements migratoires.
Malheureusement, alors que nous encourageons le développement vers un monde
meilleur, nous ne pouvons pas taire le scandale de la pauvreté dans ses diverses
dimensions. Violence, exploitation, discrimination, marginalisation, approches
restrictives aux libertés fondamentales, aussi bien des individus que des
collectivités, sont quelques-uns des principaux éléments de la pauvreté à vaincre.
Bien des fois justement ces aspects caractérisent les déplacements migratoires,
liant migrations et pauvreté. Fuyant des situations de misère ou de persécution
vers des perspectives meilleures, ou pour avoir la vie sauve, des millions de
personnes entreprennent le voyage migratoire et, alors qu’elles espèrent trouver la
réalisation de leurs attentes, elles rencontrent souvent méfiance, fermeture et
exclusion et sont frappées par d’autres malheurs, souvent encore plus graves et qui
blessent leur dignité humaine.
La réalité des migrations, avec les dimensions qu’elle présente en notre époque de
la mondialisation, demande à être affrontée et gérée d’une manière nouvelle,
équitable et efficace, qui exige avant tout une coopération internationale et un
esprit de profonde solidarité et de compassion. La collaboration aux différents
niveaux est importante, avec l’adoption, par tous, des instruments normatifs qui
protègent et promeuvent la personne humaine. Le Pape Benoît XVI en a tracé les
lignes en affirmant qu’« une telle politique doit être développée en partant d’une
étroite collaboration entre les pays d’origine des migrants et les pays où ils se
rendent ; elle doit s’accompagner de normes internationales adéquates, capables
d’harmoniser les divers ordres législatifs, dans le but de sauvegarder les exigences
et les droits des personnes et des familles émigrées et, en même temps, ceux des
sociétés où arrivent ces mêmes émigrés » (Lett. enc. Caritas in veritate, 29 juin

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2009, n. 62). Travailler ensemble pour un monde meilleur réclame une aide
réciproque entre pays, avec disponibilité et confiance, sans élever de barrières
insurmontables. Une bonne synergie peut encourager les gouvernants pour
affronter les déséquilibres socioéconomiques et une mondialisation sans règles, qui
font partie des causes des migrations dans lesquelles les personnes sont plus
victimes que protagonistes. Aucun pays ne peut affronter seul les difficultés liées à
ce phénomène, qui est si vaste qu’il concerne désormais tous les continents dans le
double mouvement d’immigration et d’émigration.
Il est important, ensuite, de souligner comment cette collaboration commence déjà
par l’effort que chaque pays devrait faire pour créer de meilleures conditions
économiques et sociales chez lui, de sorte que l’émigration ne soit pas l’unique
option pour celui qui cherche paix, justice, sécurité, et plein respect de la dignité
humaine. Créer des possibilités d’embauche dans les économies locales, évitera en
outre la séparation des familles, et garantira les conditions de stabilité et de
sérénité, à chacun et aux collectivités.
Enfin, regardant la réalité des migrants et des réfugiés, il y a un troisième élément
que je voudrais mettre en évidence sur le chemin de la construction d’un monde
meilleur ; c’est celui du dépassement des préjugés et des incompréhensions dans la
manière dont on considère les migrations. Souvent, en effet, l’arrivée de migrants,
de personnes déplacées, de demandeurs d’asile et de réfugiés suscite chez les
populations locales suspicion et hostilité. La peur nait qu’il se produise des
bouleversements dans la sécurité de la société, que soit couru le risque de perdre
l’identité et la culture, que s’alimente la concurrence sur le marché du travail, ou
même, que soient introduits de nouveaux facteurs de criminalité. Les moyens de
communication sociale, en ce domaine ont une grande responsabilité : il leur
revient, en effet, de démasquer les stéréotypes et d’offrir des informations
correctes où il arrivera de dénoncer l’erreur de certains, mais aussi de décrire
l’honnêteté, la rectitude et la grandeur d’âme du plus grand nombre. En cela, un
changement d’attitude envers les migrants et les réfugiés est nécessaire de la part
de tous ; le passage d’une attitude de défense et de peur, de désintérêt ou de
marginalisation – qui, en fin de compte, correspond à la « culture du rejet » – à une
attitude qui ait comme base la « culture de la rencontre », seule capable de
construire un monde plus juste et fraternel, un monde meilleur. Les moyens de
communication, eux aussi, sont appelés à entrer dans cette « conversion des
attitudes » et à favoriser ce changement de comportement envers les migrants et
les réfugiés.
Je pense aussi à la manière dont la Sainte Famille de Nazareth a vécu l’expérience
du refus au début de sa route : Marie « mit au monde son fils premier né ; elle
l’emmaillota et le coucha dans une mangeoire, car il n’y avait pas de place pour eux
dans la salle commune » (Lc 2,7). Plus encore, Jésus, Marie et Joseph ont fait
l’expérience de ce que signifie laisser sa propre terre et être migrants : menacés
par la soif de pouvoir d’Hérode, ils ont été contraints de fuir et de se réfugier en
Égypte (cf. Mt 2, 13-14). Mais le cœur maternel de Marie et le cœur prévenant de
Joseph, Gardien de la Sainte Famille, ont toujours gardé la confiance que Dieu ne
les abandonnerait jamais. Par leur intercession, que cette même certitude soit
toujours ferme, dans le cœur du migrant et du réfugié.
En répondant au mandat du Christ « Allez, et de toutes les nations faites des
disciples », l’Église est appelée à être le Peuple de Dieu qui embrasse tous les

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peuples, et qui porte à tous les peuples l’annonce de l’Évangile, puisque, sur le
visage de toute personne est imprimé le visage du Christ ! Là se trouve la racine la
plus profonde de la dignité de l’être humain, qui est toujours à respecter et à
protéger. Ce ne sont pas tant les critères d’efficacité, de productivité, de classe
sociale, d’appartenance ethnique ou religieuse qui fondent la dignité de la
personne, mais le fait d’être créés à l’image et à la ressemblance de Dieu (cf. Gn 1,
26-27), et plus encore le fait d’être enfants de Dieu ; tout être humain est enfant
de Dieu ! L’image du Christ est imprimée en lui ! Il s’agit alors de voir, nous d’abord
et d’aider ensuite les autres à voir dans le migrant et dans le réfugié, non pas
seulement un problème à affronter, mais un frère et une sœur à accueillir, à
respecter et à aimer, une occasion que la Providence nous offre pour contribuer à la
construction d’une société plus juste, une démocratie plus accomplie, un pays plus
solidaire, un monde plus fraternel et une communauté chrétienne plus ouverte,
selon l’Évangile. Les migrations peuvent faire naître la possibilité d’une nouvelle
évangélisation, ouvrir des espaces à la croissance d’une nouvelle humanité,
annoncée par avance dans le mystère pascal : une humanité pour laquelle toute
terre étrangère est une patrie et toute patrie est une terre étrangère.
Chers migrants et réfugiés ! Ne perdez pas l’espérance qu’à vous aussi est réservé
un avenir plus assuré, que sur vos sentiers vous pourrez trouver une main tendue,
qu’il vous sera donné de faire l’expérience de la solidarité fraternelle et la chaleur
de l’amitié ! À vous tous et à ceux qui consacrent leur vie et leurs énergies à vos
côtés, je vous assure de ma prière et je vous donne de tout cœur la Bénédiction
apostolique.

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VOYAGE APOSTOLIQUE À RIO DE JANEIRO À L’OCCASION DE LA XXVIIIe JOURNÉE MONDIALE DE LA JEUNESSE RENCONTRE AVEC LES ÉVÊQUES DU BRÉSIL DISCOURS DU PAPE FRANÇOIS

[…] Il y a un dernier point sur lequel j’aimerais m’arrêter, et que je retiens important
pour la marche actuelle et future non seulement de l’Église au Brésil, mais aussi de
toute la structure sociale : l’Amazonie. L’Église est en Amazonie non comme celui qui a
les valises en main pour partir, après avoir exploité tout ce qu’il a pu. L’Église est
présente en Amazonie depuis le début avec des missionnaires, des congrégations
religieuses, prêtres, laïcs et évêques, et elle y est encore présente et déterminante pour
l’avenir de cette région. Je pense à l’accueil que l’Église en Amazonie offre aujourd’hui
aux immigrés haïtiens après le terrible tremblement de terre qui a dévasté leur pays.
[…]

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VISITE À LAMPEDUSA HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS

Immigrés morts en mer, dans ces bateaux qui au lieu d’être un chemin d’espérance
ont été un chemin de mort. Ainsi titrent des journaux. Il y a quelques semaines,
quand j’ai appris cette nouvelle, qui malheureusement s’est répétée tant de fois,
ma pensée y est revenue continuellement comme une épine dans le cœur qui
apporte de la souffrance. Et alors j’ai senti que je devais venir ici aujourd’hui pour
prier, pour poser un geste de proximité, mais aussi pour réveiller nos consciences
pour que ce qui est arrivé ne se répète pas. Que cela ne se répète pas, s’il vous
plaît ! Mais tout d’abord, je voudrais dire une parole de sincère gratitude et
d’encouragement à vous, habitants de Lampedusa et Linosa, aux associations, aux
volontaires et aux forces de sécurité, qui avez montré et montrez de l’attention aux
personnes dans leur voyage vers quelque chose de meilleur. Vous êtes une petite
réalité, mais vous offrez un exemple de solidarité ! Merci ! Merci aussi à
l’archevêque Mgr Francesco Montenegro pour son aide, son travail et sa proximité
pastorale. Je salue cordialement le Maire, Mme Giusi Nicolini, merci beaucoup pour
ce qu’elle a fait et fait. Je désire me tourner en pensée vers les chers immigrés
musulmans qui commencent, ce soir, le jeune du Ramadan, avec le vœu
d’abondants fruits spirituels. L’Église vous est proche dans la recherche d’une vie
plus digne pour vous et vos familles. À vous : (oshià) !
Ce matin, à la lumière de la Parole de Dieu que nous avons écoutée, je voudrais
proposer des paroles qui surtout provoquent la conscience de tous, poussent à
réfléchir et à changer concrètement certaines attitudes.
« Adam, où es-tu ? » : c’est la première demande que Dieu adresse à l’homme
après le péché. « Où es-tu, Adam ? ». Et Adam est un homme désorienté qui a
perdu sa place dans la création parce qu’il croit devenir puissant, pouvoir tout
dominer, être Dieu. Et l’harmonie se rompt, l’homme se trompe et cela se répète
aussi dans la relation avec l’autre qui n’est plus le frère à aimer, amis simplement
l’autre qui dérange ma vie, mon bien-être. Et Dieu pose la seconde question : «
Caïn, où est ton frère ? ». Le rêve d’être puissant, d’être grand comme Dieu, ou
plutôt d’être Dieu, génère une chaîne d’erreurs, qui est une chaîne de mort, porte à
verser le sang du frère !
Ces deux questions de Dieu résonnent aussi aujourd’hui, avec toute leur force !
Beaucoup de nous, je m’y inclus aussi, nous sommes désorientés, nous se sommes
plus attentifs au monde dans lequel nous vivons, nous ne soignons pas, nous ne
gardons pas ce que Dieu a créé pour tous et nous ne sommes plus capables non
plus de nous garder les uns les autres. Et quand cette désorientation assume les
dimensions du monde, on arrive à des tragédies comme celle à laquelle nous avons
assisté.
« Où est ton frère ? », la voix de son sang crie vers moi, dit Dieu. Ce n’est pas une
question adressée aux autres, c’est une question adressée à moi, à toi, à chacun de

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nous. Ceux-ci parmi nos frères et sœurs cherchaient à sortir de situations difficiles
pour trouver un peu de sérénité et de paix ; ils cherchaient un rang meilleur pour
eux et pour leurs familles, mais ils ont trouvé la mort. Combien de fois ceux qui
cherchent cela ne trouvent pas compréhension, ne trouvent pas accueil, ne
trouvent pas solidarité ! Et leurs voix montent jusqu’à Dieu ! Une fois encore, je
vous remercie vous habitants de Lampedusa de votre solidarité. J’ai récemment
écouté un de ces frères. Avant d’arriver ici, ils ont passé par les mains des
trafiquants, ceux qui exploitent la pauvreté des autres, ces personnes pour qui la
pauvreté des autres est une source de revenu. Quelle souffrance ! Et certains n’ont
pas pu arriver à destination.
« Où est ton frère ? » Qui est le responsable de ce sang ? Dans la littérature
espagnole, il y a une comédie de Lope de Vega qui raconte comment les habitants
de la ville de Fuente Ovejuna tuèrent le Gouverneur parce que c’est un tyran, et le
font de façon à ce qu’on ne sache pas qui l’a exécuté. Et quand le juge du roi
demande : « Qui a tué le Gouverneur ? », tous répondent : « Fuente Ovejuna,
Monsieur ». Tous et personne ! Aujourd’hui aussi cette question émerge avec force
: qui est le responsable du sang de ces frères et sœurs ? Personne ! Tous nous
répondons ainsi : ce n’est pas moi, moi je ne suis pas d’ici, ce sont d’autres,
certainement pas moi. Mais Dieu demande à chacun de nous : « Où est le sang de
ton frère qui crie vers moi ? ». Aujourd’hui personne dans le monde ne se sent
responsable de cela ; nous avons perdu le sens de la responsabilité fraternelle ;
nous sommes tombés dans l’attitude hypocrite du prêtre et du serviteur de l’autel,
dont parlait Jésus dans la parabole du Bon Samaritain : nous regardons le frère à
demi mort sur le bord de la route, peut-être pensons-nous « le pauvre », et
continuons notre route, ce n’est pas notre affaire ; et avec cela nous nous mettons
l’âme en paix, nous nous sentons en règle. La culture du bien-être, qui nous amène
à penser à nous-même, nous rend insensibles aux cris des autres, nous fait vivre
dans des bulles de savon, qui sont belles, mais ne sont rien ; elles sont l’illusion du
futile, du provisoire, illusion qui porte à l’indifférence envers les autres, et même à
la mondialisation de l’indifférence. Dans ce monde de la mondialisation, nous
sommes tombés dans la mondialisation de l’indifférence. Nous sommes habitués à
la souffrance de l’autre, cela ne nous regarde pas, ne nous intéresse pas, ce n’est
pas notre affaire !
Revient la figure de l’Innommé de Manzoni. La mondialisation de l’indifférence nous
rend tous « innommés », responsables sans nom et sans visage.
« Adam où es-tu ? », « Où est ton frère ? », sont les deux questions que Dieu pose
au début de l’histoire de l’humanité et qu’il adresse aussi à tous les hommes de
notre temps, à nous aussi. Mais je voudrais que nous nous posions une troisième
question : « Qui de nous a pleuré pour ce fait et pour les faits comme celui-ci ? »
Qui a pleuré pour la mort de ces frères et sœurs ? Qui a pleuré pour ces personnes
qui étaient sur le bateau ? Pour les jeunes mamans qui portaient leurs enfants ?
Pour ces hommes qui désiraient quelque chose pour soutenir leurs propres familles
? Nous sommes une société qui a oublié l’expérience des pleurs, du « souffrir avec
» : la mondialisation de l’indifférence nous a ôté la capacité de pleurer ! Dans
l’Évangile nous avons écouté le cri, les pleurs, la longue plainte : « Rachel pleure
ses enfants… parce qu’ils ne sont plus ». Hérode a semé la mort pour défendre son
propre bien-être, sa propre bulle de savon. Et cela continue de se répéter…
Demandons au Seigneur d’effacer ce qui d’Hérode est resté également dans notre

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cœur ; demandons au Seigneur la grâce de pleurer sur notre indifférence, de
pleurer sur la cruauté qui est dans le monde, en nous, aussi en ceux qui dans
l’anonymat prennent les décisions socio-économiques qui ouvrent la voie à des
drames comme celui-ci. « Qui a pleuré ? » Qui a pleuré aujourd’hui dans le monde
?
Seigneur, en cette Liturgie, qui est une Liturgie de pénitence, nous demandons
pardon pour l’indifférence envers beaucoup de frères et sœurs ; Père, nous te
demandons pardon pour celui qui s’est accommodé et s’est enfermé dans son
propre bien-être qui porte à l’anesthésie du cœur, nous te demandons pardon pour
ceux qui par leurs décisions au niveau mondial ont créé des situations qui
conduisent à ces drames. Pardon Seigneur !
Seigneur, que nous entendions aujourd’hui aussi tes questions : « Adam où es-tu ?
», « Où est le sang de ton frère ? ».

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DISCOURS DU PAPE FRANÇOIS À L’ASSEMBLÉE DE LA RÉUNION DES ŒUVRES D’AIDE AUX ÉGLISES ORIENTALES (R.O.A.C.O.)

[…] Que le conflit qui sème la mort laisse place à la rencontre et à la réconciliation
qui apporte la vie. À tous ceux qui sont dans la souffrance, je dis avec force : ne
perdez jamais l’espérance ! L’Église est proche de vous, vous accompagne et vous
soutient ! Je vous demande de faire tout le possible pour soulager les graves
nécessités des populations frappées, en particulier les populations syriennes, le
peuple de la bien-aimée Syrie, les réfugiés toujours plus nombreux. […]

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PAPE FRANÇOIS AUDIENCE GÉNÉRALE

Demain sera célébrée laJournée mondiale du réfugié. Cette année, nous sommes
invités à considérer en particulier la situation des familles réfugiées, souvent
contraintes à quitter en toute hâte leur maison et leur patrie et à perdre tout bien
et toute sécurité pour fuir des situations de violence, de persécutions ou de graves
discriminations en raison de la religion qu’elles professent, de leur appartenance à
un groupe ethnique ou de leurs idées politiques.
Outre les dangers du voyage, souvent, ces familles courent le risque d’être
désagrégées, et dans le pays qui les accueille, elles doivent se confronter à des
cultures et à des sociétés différentes des leurs.
Nous ne pouvons pas être insensibles à l’égard des familles et de tous nos frères et
sœurs réfugiés : nous sommes appelés à les aider, en nous ouvrant à la
compréhension et à l’hospitalité.
Que ne manquent pas dans le monde entier des personnes et des institutions qui
les assistent: sur leur visage se reflète le visage du Christ ![…]

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DISCOURS DU PAPE FRANÇOIS AUX ORGANISME CARITATIFS CATHOLIQUES QUI OPÈRENT DANS LE CONTEXTE DE LA CRISE EN SYRIE ET DANS LES PAYS VOISINS

[…] À la communauté internationale, à côté de la recherche d’une solution négociée
du conflit, je demande de favoriser l’aide humanitaire aux personnes déplacées et
aux réfugiés syriens, en recherchant en premier lieu le bien de la personne et la
sauvegarde de sa dignité. Pour le Saint-Siège, l’œuvre des Agences de charité
catholiques est extrêmement significative : aider la population syrienne, au-delà
des appartenances ethniques et religieuses, est le moyen le plus direct pour offrir
une contribution à la pacification et à l’édification d’une société ouverte à toutes ses
diverses composantes. L’effort du Saint-Siège tend également à ceci : construire un
avenir de paix pour la Syrie, dans laquelle tous puissent vivre librement et
s’exprimer dans leur particularité. […]