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PAPE FRANÇOIS AUDIENCE GÉNÉRALE

[…] Quand le grand récit biblique de la création est rédigé, le peuple d’Israël ne
vit pas des jours heureux. Une puissance ennemie avait occupé sa terre; de
nombreuses personnes avaient été déportées et se trouvaient à présent en
esclavage en Mésopotamie. Il n’y avait plus de patrie, ni de temple, ni de vie
sociale et religieuse, rien.
Pourtant, précisément à partir du grand récit de la création, quelqu’un
commence à retrouver des motifs d’action de grâce, à louer Dieu pour
l’existence. La prière est la première force de l’espérance. Tu pries et l’espérance
grandit, tu vas de l’avant. Je dirais que la prière ouvre la porte à l’espérance.
L’espérance est là, mais avec ma prière j’ouvre la porte. Parce que les hommes
de prière conservent les valeurs fondamentales; ce sont ceux qui répètent, avant
tout à eux-mêmes et ensuite à tous les autres, que cette vie, malgré toutes ses
difficultés et ses épreuves, malgré ses moments difficiles, est pleine d’une grâce
dont il faut s’émerveiller. Et, en tant que telle, elle doit toujours être défendue et
protégée. […]

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CELEBRATION MATINALE RETRANSMISE EN DIRECT DEPUIS LA CHAPELLE DE LA MAISON SAINTE-MARTHE HOMELIE DU PAPE FRANÇOIS

[…] Au cours de l’histoire, nous avons vu les brutalités que l’on infligeait aux
esclaves: on les amenait d’Afrique en Amérique – je pense à cette histoire qui
touche ma terre – et nous disons: « Que de barbarie! ». Mais aujourd’hui aussi, il
y a beaucoup d’esclaves, beaucoup d’hommes et de femmes qui ne sont pas
libres de travailler: ils sont obligés de travailler pour survivre, rien de plus. Ils
sont esclaves: les travaux forcés… Il y a des travaux forcés, injustes, mal payés
et qui conduisent l’homme à vivre avec sa dignité piétinée. Ils sont très, très
nombreux dans le monde. Très nombreux. Dans les journaux, il y a quelques
mois, nous avons lu que dans un pays d’Asie un homme avait tué à coups de
bâtons un employé qui gagnait moins d’un demi-dollar par jour, parce qu’il avait
mal fait quelque chose. L’esclavage d’aujourd’hui est notre « in-dignité », parce
qu’il ôte sa dignité à l’homme, à la femme, à nous tous. « Non, je travaille, moi
j’ai ma dignité ». Oui, mais tes frères, non. « Oui, Père, c’est vrai, mais comme
c’est très loin, j’ai du mal à le comprendre. Mais ici, chez nous… ». Ici aussi, chez
nous. Ici, chez nous. Je pense aux travailleurs, aux journaliers, qu’on fait
travailler pour une rétribution minimale et pas seulement huit heures, mais
douze, quatorze heures par jour: cela arrive aujourd’hui, ici. Dans le monde
entier, mais ici aussi. Je pense à la domestique qui n’a pas une juste rétribution,
qui n’a pas la sécurité sociale, qui ne verse pas pour sa retraite: cela n’arrive pas
seulement en Asie. […]

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LETTRE DU PAPE FRANÇOIS AUX MOUVEMENTS POPULAIRES

Aux frères et aux sœurs
des mouvements et organisations populaires
Chers amis,
Je pense souvent à nos rencontres : deux au Vatican et une à Santa Cruz de la
Sierra et je vous avoue que ce « souvenir » me fait du bien, me rapproche de
vous, me fait repenser à tant de discussions partagées durant ces rencontres et
aux nombreux projets qui en sont nés et y ont mûri, et dont beaucoup sont
devenus réalité. Aujourd’hui, en pleine pandémie, je pense particulièrement à
vous et je tiens à vous dire que je suis à vos côtés.
En ces jours de grande angoisse et de difficultés, nombreux sont ceux qui ont
parlé de la pandémie dont nous souffrons en utilisant des métaphores
guerrières. Si la lutte contre le COVID-19 est une guerre, alors vous êtes une
véritable armée invisible qui combattez dans les tranchées les plus périlleuses.
Une armée sans autres armes que la solidarité, l’espoir et le sens de la
communauté qui renaissent en ces jours où personne ne peut s’en sortir seul.
Vous êtes pour moi, comme je vous l’ai dit lors de nos rencontres, de véritables
poètes sociaux qui, depuis les périphéries oubliées, apportez des solutions
dignes aux problèmes les plus graves de ceux qui sont exclus.
Je sais que très souvent vous n’êtes pas reconnus comme il se doit, car dans ce
système vous êtes véritablement invisibles. Les solutions prônées par le marché
n’atteignent pas les périphéries, pas plus que la présence protectrice de l’État.
Vous n’avez pas non plus les ressources nécessaires pour remplir sa fonction.
Vous êtes considérés avec méfiance parce que vous dépassez la simple
philanthropie à travers l’organisation communautaire, ou parce que vous
revendiquez vos droits au lieu de vous résigner et d’attendre que tombent les
miettes de ceux qui détiennent le pouvoir économique. Vous éprouvez souvent
de la colère et de l’impuissance face aux inégalités qui persistent, même lorsqu’il
n’y a plus d’excuses pour maintenir les privilèges. Toutefois, vous ne vous
renfermez pas dans la plainte : vous retroussez vos manches et vous continuez
à travailler pour vos familles, pour vos quartiers, pour le bien commun. Votre
attitude m’aide, m’interroge et m’apprend beaucoup.
Je pense aux personnes, surtout des femmes, qui multiplient le pain dans les
cantines communautaires, en préparant avec deux oignons et un paquet de riz
un délicieux ragoût pour des centaines d’enfants ; je pense aux malades, je
pense aux personnes âgées. Les grands médias les ignorent. Pas plus qu’on ne
parle des paysans ou des petits agriculteurs qui continuent à travailler pour
produire de la nourriture sans détruire la nature, sans l’accaparer ni spéculer
avec les besoins du peuple. Je veux que vous sachiez que notre Père céleste
vous regarde, vous apprécie, vous reconnaît et vous soutient dans votre choix.
Comme il est difficile de rester chez soi pour ceux qui vivent dans un petit
logement précaire ou qui sont directement sans toit. Comme cela est difficile
pour les migrants, pour les personnes privées de liberté ou pour celles qui se
soignent d’une addiction. Vous êtes là, physiquement présents auprès d’eux,
pour rendre les choses plus faciles et moins douloureuses. Je vous félicite et je
vous remercie de tout mon cœur. J’espère que les gouvernements comprendront
que les paradigmes technocratiques (qu’ils soient étatistes ou fondés sur le
marché) ne suffisent pas pour affronter cette crise, ni d’ailleurs les autres grands
problèmes de l’humanité. Aujourd’hui plus que jamais, ce sont les personnes, les
communautés, les peuples qui doivent être au centre de tout, unis pour soigner,
pour sauvegarder, pour partager.
Je sais que vous avez été privés des bénéfices de la mondialisation. Vous ne
jouissez pas de ces plaisirs superficiels qui anesthésient tant de consciences. Et
pourtant, vous en subissez toujours les préjudices. Les maux qui affligent tout
un chacun vous frappent doublement. Beaucoup d’entre vous vivent au jour le
jour sans aucune garantie juridique pour vous protéger. Les vendeurs
ambulants, les recycleurs, les forains, les petits paysans, les bâtisseurs, les
couturiers, ceux qui accomplissent différents travaux de soins. Vous, les
travailleurs informels, indépendants ou de l’économie populaire, n’avez pas de
salaire fixe pour résister à ce moment… et les quarantaines vous deviennent
insupportables. Sans doute est-il temps de penser à un salaire universel qui
reconnaisse et rende leur dignité aux nobles tâches irremplaçables que vous
effectuez, un salaire capable de garantir et de faire de ce slogan, si humain et
chrétien, une réalité: pas de travailleur sans droits.
Je voudrais aussi vous inviter à penser à « l’après », car cette tourmente va
s’achever et ses graves conséquences se font déjà sentir. Vous ne vivez pas dans
l’improvisation, vous avez une culture, une méthodologie, mais surtout la
sagesse pétrie du ressenti de la souffrance de l’autre comme la vôtre. Je veux
que nous pensions au projet de développement humain intégral auquel nous
aspirons, fondé sur le rôle central des peuples dans toute leur diversité et sur
l’accès universel aux trois T que vous défendez : terre, toit et travail. J’espère
que cette période de danger nous fera abandonner le pilotage automatique,
secouera nos consciences endormies et permettra une conversion humaniste et
écologique pour mettre fin à l’idolâtrie de l’argent et pour placer la dignité et la
vie au centre de l’existence. Notre civilisation, si compétitive et individualiste,
avec ses rythmes frénétiques de production et de consommation, ses luxes
excessifs et des profits démesurés pour quelques-uns, doit être freinée, se
repenser, se régénérer. Vous êtes des bâtisseurs indispensables à ce changement
inéluctable. Je dirais même plus, vous avez une voix qualifiée pour témoigner
que cela est possible. Vous connaissez bien les crises et les privations… que
vous parvenez à transformer avec pudeur, dignité, engagement, effort et
solidarité, en promesse de vie pour vos familles et vos communautés.
Continuez à lutter et à prendre soin de chacun de vous comme des frères et
sœurs. Je prie pour vous, je prie avec vous et je demande à Dieu, notre Père, de
vous bénir, de vous combler de son amour et de vous protéger sur ce chemin, en
vous donnant la force qui nous permet de rester debout et qui ne nous déçoit
pas: l’espoir. Veuillez aussi prier pour moi, car j’en ai besoin.

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PAPE FRANÇOIS AUDIENCE GÉNÉRALE

[…] En ce moment, je voudrais m’adresser à tous les malades atteints par le virus et qui souffrent de la maladie, et aux nombreux autres qui souffrent d’incertitudes à propos de leurs maladies. Je remercie de tout cœur le personnel hospitalier, les médecins, les infirmiers et infirmières, les bénévoles qui, en ce moment si difficile, sont aux côtés des personnes qui souffrent. Je remercie tous les chrétiens, tous les hommes et toutes les femmes de bonne volonté qui prient pour ce moment, tous unis, quelle que soit la tradition religieuse à laquelle ils appartiennent. Merci de tout cœur pour cet effort. Mais je ne voudrais pas que cette douleur, cette épidémie si forte nous fasse oublier les pauvres Syriens qui souffrent à la frontière entre la Grèce et la Turquie: un peuple qui souffre depuis des années. Ils doivent fuir la guerre, la faim, les maladies. N’oublions pas nos frères et sœurs, les nombreux enfants qui souffrent là-bas. […]

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PAPE FRANÇOIS ANGÉLUS

À l’issue de l’Angélus […] Je salue les associations et les groupes qui s’engagent de manière solidaire avec le peuple syrien et en particulier avec les habitants de la ville d’Idlib et du nord-est de la Syrie — je vous vois ici —, obligés de fuir les récents événements de la guerre. Chers frères et sœurs, je renouvelle l’expression ma grande inquiétude et ma douleur pour la situation inhumaine de ces personnes sans défense, parmi lesquelles tant d’enfants, qui risquent leur vie. On ne doit pas détourner le regard devant cette crise humanitaire, mais leur donner la priorité sur tout autre intérêt. Prions pour ces personnes, pour ces frères et sœurs qui souffrent tant au nord-ouest de la Syrie, dans la ville d’Idlib. […]

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PAPE FRANÇOIS ANGÉLUS

À l’issue de l’Angélus: Je suis un peu attristé par les nouvelles qui arrivent à propos de tant de personnes déplacées, de tant d’hommes, de femmes, d’enfants chassés à cause de la guerre, de tant de migrants qui demandent refuge dans le monde et de l’aide. Ces jours derniers, cela s’est beaucoup aggravé. Prions pour eux.

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VISITE DU PAPE FRANÇOIS A BARI A L’OCCASION DE LA RENCONTRE DE REFLEXION ET SPIRITUALITE « MEDITERRANEE FRONTIERE DE PAIX » RENCONTRE AVEC LES EVEQUES DE LA MEDITERRANEE DISCOURS DU PAPE FRANÇOIS

Chers frères, Je suis heureux de vous rencontrer et reconnaissant envers chacun de vous pour avoir accepté l’invitation de la Conférence Episcopale Italienne à participer à cette rencontre qui réunit les Eglises de la Méditerranée. Et en regardant aujourd’hui cette église [la Basilique Saint Nicolas], il me vient à l’esprit l’autre rencontre, celle que nous avons eue avec les chefs des Eglises chrétiennes – orthodoxes, catholiques… – ici à Bari. C’est la seconde fois en peu de mois qu’à lieu un geste d’unité de la sorte : c’était la première fois après le grand schisme que nous étions tous ensemble ; et cette fois ci c’est la première fois pour tous les évêques qui donnent sur la Méditerranée. Je crois que nous pourrions appeler Bari la capitale de l’unité, de l’unité de l’Eglise – si Monseigneur Cacucci le permet ! Merci pour l’accueil, Excellence, Merci. Lorsque, en son temps, le Cardinal Bassetti m’a présenté l’initiative, je l’ai accueillie immédiatement avec joie, entrevoyant en elle la possibilité d’engager un processus d’écoute et d’échange par lequel contribuer à l’édification de la paix dans cette région cruciale du monde. C’est pourquoi j’ai voulu être présent et témoigner de la valeur contenue dans le nouveau paradigme de fraternité et de collégialité dont vous êtes l’expression. Cette parole que vous avez ajoutée au dialogue m’a plu: convivialité. Je trouve significatif le choix d’organiser cette rencontre dans la ville de Bari, si importante pour les liens qu’elle entretient avec le Moyen-Orient comme avec le continent africain, signe éloquent qui montre à quel point sont profondes les relations entre les peuples et les traditions différentes. De plus, le diocèse de Bari entretient depuis toujours le dialogue œcuménique et interreligieux, en veillant sans relâche à établir des liens d’estime réciproque et de fraternité. Ce n’est pas un hasard si, ici justement, il y a un an et demi – comme je l’ai dit -, j’ai choisi de rencontrer les responsables des communautés chrétiennes du Moyen-Orient pour un moment important d’échange et de communion, qui aide des Eglises sœurs à marcher ensemble et à se sentir plus proches. Dans ce contexte particulier, vous vous êtes réunis pour réfléchir sur la vocation et le destin de la Méditerranée, sur la transmission de la foi et la promotion de la paix. Le Mare nostrum est le lieu physique et spirituel dans lequel notre civilisation a pris forme, comme résultat de la rencontre de plusieurs peuples. Justement en vertu de sa configuration, cette mer oblige les peuples et les cultures riverains à une constante proximité, en les invitant à faire mémoire de ce qui les unit, et à rappeler que c’est seulement en vivant dans la concorde qu’ils peuvent jouir des opportunités que cette région offre du point de vue des ressources, de la beauté du territoire, des différentes traditions humaines. De nos jours, l’importance de cette région n’a pas diminué suite aux dynamiques déterminées par la globalisation ; au contraire, cette dernière a accentué le rôle de la Méditerranée, ce carrefour d’intérêts et d’évènements significatifs du point de vue social, politique, religieux et économique. La Méditerranée demeure une zone stratégique dont l’équilibre reflète ses effets sur les autres parties du monde. On peut dire que ses dimensions sont inversement proportionnelles à sa grandeur, ce qui amène à la comparer à un lac plus qu’à un océan, comme l’a fait Giorgio La Pira. En la définissant comme “le grand lac de Tibériade”, il a suggéré une analogie entre le temps de Jésus et le nôtre, entre l’environnement dans lequel il vivait et celui dans lequel vivent les peuples qui l’habitent aujourd’hui. Et de même que Jésus a œuvré dans un contexte hétérogène de cultures et de croyances, nous nous situons aussi dans un contexte polyédrique et multiforme, affecté par des divisions et des inégalités qui en augmentent l’instabilité. Dans cet épicentre de lignes profondes de rupture et de conflits économiques, religieux, confessionnels et politiques, nous sommes appelés à offrir notre témoignage d’unité et de paix. Nous le faisons à partir de notre foi et de l’appartenance à l’Eglise, en nous demandant quelle est la contribution que, comme disciples du Seigneur, nous pouvons offrir à tous les hommes et les femmes de la région méditerranéenne. La transmission de la foi ne peut que tirer profit du patrimoine dont la Méditerranée est dépositaire. C’est un patrimoine gardé par les communautés chrétiennes, rendu vivant grâce à la catéchèse et la célébration des sacrements, la formation des consciences et l’écoute personnelle et communautaire de la Parole du Seigneur. En particulier, l’expérience chrétienne trouve dans la piété populaire une expression aussi significative qu’indispensable : vraiment, la dévotion du peuple est, principalement, l’expression d’une foi simple et authentique. Et à ce sujet j’aime citer souvent ce joyau qu’est le numéro 48 d’ Evangelii nuntiandi sur la piété populaire, où saint Paul VI change le mot “religiosité” en “piété”, et où sont présentés ses richesses mais aussi ses défauts. Ce numéro doit être le guide de notre annonce de l’Evangile. Le patrimoine artistique qui unit les contenus de la foi à la richesse des cultures, à la beauté des œuvres d’art, est aussi d’une énorme potentialité dans cette région. C’est un patrimoine qui attire continuellement des millions de visiteurs du monde entier et qui doit être gardé avec soin, tel un héritage précieux reçu “en prêt” et à remettre aux générations futures. Dans ce contexte, l’annonce de l’Evangile ne peut pas se séparer de l’engagement pour le bien commun et nous pousse à agir comme des infatigables ouvriers de paix. Aujourd’hui la région de la Méditerranée est menacée par de nombreux foyers d’instabilité et de guerre, soit dans le Moyen-Orient, soit dans les divers Etats de l’Afrique du Nord, comme aussi entre les différentes ethnies et groupes religieux et confessionnels ; nous ne pouvons pas oublier le conflit encore irrésolu entre juifs et palestiniens, avec le danger des solutions non équitables, et donc porteuses de nouvelles crises. La guerre – qui oriente les ressources vers l’achat des armes et l’effort militaire, en les détournant des fonctions vitales d’une société, comme le soutien aux familles, à la santé et à l’instruction – est contraire à la raison, selon l’enseignement de saint Jean XXIII (Cf. Enc. Pacem in terris, n. 114). En d’autres termes, elle est une folie parce qu’il est fou de détruire des maisons, des ponts, des entreprises, des hôpitaux, de tuer des personnes et d’anéantir des ressources au lieu de construire des relations humaines et économiques. Elle est une folie à laquelle nous ne pouvons pas nous résigner : jamais la guerre ne pourra être considérée comme normale ou acceptée comme une voie inéluctable pour résoudre des divergences et des intérêts opposés. Jamais. La fin ultime de toute société humaine est la paix, au point qu’on peut répéter qu’« il n’y a, pour personne, aucune alternative à la paix ». Il n’y a aucune alternative sensée à la paix, parce que tout projet d’exploitation et de suprématie dégrade à la fois celui qui frappe et celui qui est frappé, et révèle une conception myope de la réalité puisqu’il prive d’avenir non seulement l’autre, mais aussi soi-même. La guerre apparaît comme l’échec de tout projet humain et divin: il suffit de visiter un paysage ou une ville, théâtres d’un conflit, pour se rendre compte comment, à cause de la haine, le jardin s’est transformé en terre désolée et inhospitalière, et le paradis terrestre en enfer. Et je voudrais ajouter à ce sujet le grave péché d’hypocrisie, lorsque dans les rencontres internationales, dans les réunions, beaucoup de pays parlent de paix et ensuite vendent des armes au pays qui sont en guerre. Cela s’appelle une grande hypocrisie. L’édification de la paix, que l’Eglise et toute institution civile doivent toujours considérer comme une priorité, a comme présupposé indispensable la justice. Elle est foulée aux pieds là où sont ignorées les exigences des personnes et là où les intérêts économiques d’une partie prévalent sur les droits des individus et de la communauté. La justice est entravée, en outre, par la culture du rejet qui traite les personnes comme si elles étaient des choses, et qui génère et accroît les inégalités de manière flagrante, de sorte que, sur les rives de la même mer, certaines sociétés vivent dans l’abondance tandis que, dans d’autres, de nombreuses personnes se battent pour la survie. Les nombreuses œuvres de charité, d’éducation et de formation mises en œuvre par les communautés chrétiennes contribuent de manière décisive à la lutte contre cette culture. Et chaque fois que les diocèses, les paroisses, les associations, le volontariat – le volontariat est l’un des grands trésors de la pastorale italienne – ou des individus s’efforcent de soutenir celui qui est abandonné ou dans le besoin, l’Evangile acquiert une nouvelle force d’attraction. Dans la poursuite du bien commun – qui est un autre nom de la paix -, il faut assumer le critère indiqué par le même La Pira : se laisser guider par « les attentes des pauvres gens ». Ce principe, qui n’est jamais identifiable à des calculs ou à des raisons de convenances, s’il est assumé sérieusement, permet un changement anthropologique radical qui rend chacun plus humain. A quoi sert, du reste, une société qui atteint toujours de nouveaux résultats technologiques, mais qui devient moins solidaire envers celui qui est dans le besoin ? Par l’annonce évangélique, nous transmettons, au contraire, la logique selon laquelle il n’y a pas de derniers, et nous nous efforçons à ce que l’Eglise, les Eglises, par un engagement toujours plus actif, soit le signe de l’attention privilégiée pour les petits et les pauvres, parce que « les parties du corps qui paraissent les plus délicates sont indispensables » (1Co 12, 22) et que « si un seul membre souffre, tous les membres partagent sa souffrance » (1Co 12, 26). Parmi ceux qui, dans la région Méditerranéenne, peinent le plus, il y’a ceux qui fuient la guerre ou qui laissent leur terre en quête d’une vie digne de l’homme. Le nombre de ces frères – contraints d’abandonner affections et patrie et de s’exposer à des conditions d’extrême précarité – a augmenté à cause de la multiplication des conflits et des conditions climatiques et environnementales dramatiques de régions toujours plus vastes. Il est facile de prévoir que ce phénomène, avec ses dynamiques de l’époque actuelle, marquera la région méditerranéenne. C’est pour cela que les Etats et les communautés religieuses ne peuvent pas ne pas être préparés. Les pays traversés par les flux migratoires et ceux de la destination finale sont concernés, mais également les gouvernements et les Eglises des Etats de provenance des migrants qui, avec le départ de tant de jeunes, voient leur avenir appauvri. Nous sommes conscients qu’en divers contextes sociaux un sentiment d’indifférence, et même de refus, est répandu, qui fait penser au comportement, stigmatisé dans de nombreuses paraboles évangéliques, de ceux qui s’enferment dans leur richesse et leur autonomie, sans remarquer celui qui, par ses paroles ou simplement par son état d’indigence, demande de l’aide. Un sentiment de peur s’introduit, qui pousse à ériger ses défenses face à ce qui est présenté instrumentalement comme une invasion. La rhétorique de l’affrontement des civilisations ne sert qu’à justifier la violence et à alimenter la haine. La défaillance, ou du moins la faiblesse, de la politique et le sectarisme sont les causes des radicalismes et du terrorisme. La communauté internationale s’est contentée d’interventions militaires alors qu’elle devrait mettre en place des institutions qui garantissent des opportunités égales et des lieux où les citoyens auraient la possibilité de prendre en charge le bien commun. A notre tour, frères, élevons la voix pour demander aux gouvernements la protection des minorités et de la liberté religieuse. La persécution dont sont victimes surtout – mais pas seulement – les communautés chrétiennes est une blessure qui déchire notre cœur et ne peut pas nous laisser indifférents. Dans le même temps, nous n’accepterons jamais que celui qui cherche l’espérance en prenant la mer meurt sans recevoir de secours, ou que celui qui arrive de loin devienne la victime d’exploitation sexuelle, soit sous-payé ou recruté par les mafias. Certes, l’accueil et une intégration digne sont des étapes d’un processus qui n’est pas facile. Cependant, il est impensable de s’y engager en construisant des murs. Cela me fait peur quand j’écoute des discours de certains leaders des nouvelles formes de populisme, et cela me fait entendre les discours qui semaient la peur et la haine dans les années 30 du siècle dernier. Ce processus d’accueil et d’intégration digne est impensable, je l’ai dit, en construisant des murs. En faisant ainsi, au contraire, on s’interdit l’accès à la richesse dont l’autre est porteur et qui constitue toujours une occasion de croissance. Quand on nie le désir de communion, inscrit dans le cœur de l’homme et dans l’histoire des peuples, on contrecarre le processus d’unification de la famille humaine qui se fraie un chemin déjà entre mille adversités. La semaine dernière, un artiste de Turin m’a envoyé un tableau en pyrogravure sur la fuite en Egypte, et il y a un Saint Joseph, pas aussi tranquille que nous avons l’habitude de le voir sur les images ; mais un Saint Joseph dans une attitude de réfugié syrien, avec l’enfant sur les épaules : cela montre la souffrance, sans adoucir le drame de l’enfant Jésus lorsqu’il a dû fuir en Egypte. C’est la même chose qui arrive aujourd’hui. La Méditerranée a une vocation particulière en ce sens : elle est la mer du métissage, « culturellement toujours ouverte à la rencontre, au dialogue et à l’inculturation réciproque ». La pureté des races n’a pas d’avenir. Le message du métissage nous en dit long. Donner sur la Méditerranée représente donc une extraordinaire potentialité : ne laissons pas se répandre, par esprit nationaliste, la conviction du contraire, c’est-à-dire que les Etats moins accessibles et géographiquement plus isolés seraient privilégiés. Seul le dialogue permet de se rencontrer, de dépasser les préjugés et les stéréotypes, de se raconter et de se mieux connaître soi-même. Le dialogue et ce mot que j’ai entendu aujourd’hui : convivialité. En ce sens, une opportunité particulière se rencontre chez les nouvelles générations, lorsque l’accès aux ressources leur est assuré et qu’elles sont mises dans des conditions qui leur permettent de devenir les protagonistes de leur chemin : apparaissent alors la sève capable de générer avenir, et l’espérance. Ce résultat est possible seulement là où il y a un accueil, non pas superficiel mais sincère et bienveillant, pratiqué par tous et à tous les niveaux, sur le plan quotidien des relations interpersonnelles comme sur le plan politique et institutionnel, et promu par ceux qui œuvrent dans la culture et ont une responsabilité plus grande vis à vis de l’opinion publique. Pour celui qui croit à l’Evangile, le dialogue n’a pas seulement une valeur anthropologique, mais aussi théologique. Ecouter le frère n’est pas seulement un acte de charité mais aussi un moyen pour se mettre à l’écoute de l’Esprit de Dieu qui œuvre certainement chez l’autre et parle au-delà des frontières dans lesquelles nous sommes souvent tentés de brider la vérité. Nous connaissons aussi la valeur de l’hospitalité: «Elle a permis à certains, sans le savoir, de recevoir chez eux des anges» (He 13, 2). Il faut élaborer une théologie de l’accueil et du dialogue qui réinterprète et repropose l’enseignement biblique. Elle peut être élaborée seulement si l’on s’efforce par tous les moyens de faire le premier pas et en n’excluant pas les semences de vérité dont les autres sont dépositaires. De cette manière, la confrontation entre les contenus des diverses fois pourra concerner non seulement les vérités crues, mais aussi des thèmes spécifiques qui deviennent des points qualifiants de toute la doctrine. Trop souvent, l’histoire a connu des antagonismes et des luttes fondés sur la conviction faussée que nous défendons Dieu en combattant celui qui ne partage pas notre credo. En réalité, les extrémismes et les fondamentalismes nient la dignité de l’homme et sa liberté religieuse, en causant un déclin moral et en favorisant une conception antagoniste des rapports humains. C’est aussi pourquoi une rencontre plus vivante entre les diverses fois religieuses, portée par un respect sincère et par une volonté de paix, devient urgente. Une telle rencontre, portée par la conscience – fixée dans le Document sur la Fraternité signé à Abou Dhabi – que «les vrais enseignements des religions invitent à demeurer ancrés dans les valeurs de la paix ; à soutenir les valeurs de la connaissance réciproque, de la fraternité humaine et de la coexistence commune». Par conséquent, concernant le soutien des pauvres et l’accueil des migrants, on peut réaliser également une collaboration plus active entre les groupes religieux et les diverses communautés de sorte que la confrontation soit animée d’intentions communes et soit accompagnée d’un engagement concret. Ceux qui se salissent ensemble les mains pour construire la paix et pratiquer l’accueil ne pourront plus se combattre pour des motifs de foi, mais ils parcourront les voies de la confrontation respectueuse, de la solidarité réciproque, de la recherche de l’unité. Et le contraire c’est ce que j’ai entendu lorsque je suis allé à Lampedusa, cette ambiance d’indifférence : sur l’île il y avait de l’accueil, mais ensuite, dans le monde, la culture de l’indifférence. Voilà les vœux que je désire vous communiquer, chers confrères, en conclusion de la rencontre fructueuse et consolante de ces jours. Je vous confie à l’intercession de l’Apôtre Paul qui, le premier, a traversé la Méditerranée en affrontant les dangers et les adversités en tout genre pour porter l’Evangile du Christ à tous : que son exemple vous indique les voies sur lesquelles poursuivre le joyeux et libérant engagement de transmettre la foi à notre temps. Comme mission je vous livre les paroles du prophète Isaïe pour qu’elles donnent de l’espérance et communiquent de la force, à vous et à vos communautés respectives. Devant la désolation de Jérusalem à la suite de l’exil, le prophète ne cesse pas d’entrevoir un avenir de paix et de prospérité : « Ils rebâtiront les ruines antiques, ils relèveront les demeures dévastées des ancêtres, ils restaureront les villes en ruines, dévastées depuis des générations » (Is 61, 4). Voilà l’œuvre que le Seigneur vous confie pour cette région de la Méditerranée : reconstruire les liens qui ont été coupés, relever les villes détruites par la violence, faire fleurir un jardin là où sont aujourd’hui des terres desséchées, susciter de l’espérance à celui qui l’a perdue, et exhorter celui qui est fermé sur lui-même à ne pas craindre le frère. Et regarder cela, qui est déjà devenu un cimetière, comme un lieu d’avenir et de résurrection de toute la région. Que le Seigneur accompagne vos pas et qu’il bénisse votre œuvre de réconciliation et de paix. Merci.

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DISCOURS DU PAPE FRANÇOIS AUX PARTICIPANTS À L’ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE DE LA CONGRÉGATION POUR L’ÉDUCATION CATHOLIQUE

[…] Quant à la méthode, l’éducation est un mouvement inclusif. Une inclusion qui va vers tous les exclus: exclus en raison de la pauvreté, de la vulnérabilité à cause des guerres, des famines et des catastrophes naturelles, de la sélectivité sociale, des difficultés familiales et existentielles. Une inclusion qui se concrétise dans les actions éducatives en faveur des réfugiés, des victimes de la traite des êtres humains, des migrants, sans aucune distinction de sexe, de religion ou d’ethnie. L’inclusion n’est pas une invention moderne, mais elle fait partie intégrante du message du salut chrétien. Aujourd’hui, il est nécessaire d’accélérer ce mouvement inclusif de l’éducation pour endiguer la culture du déchet, qui est le fruit du refus de la fraternité en tant qu’élément constitutif de l’humanité. […]

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SALUT DU SAINT-PÈRE FRANÇOIS AUX MEMBRES DES CHEVALIERS DE COLOMBO

[…] Depuis leur fondation, les Chevaliers de Colomb ont montré un dévouement inconditionnel au successeur de Pierre. La création du Fonds Vicarius Christi en est un témoignage, ainsi que la volonté de participer à la préoccupation du Pape pour toutes les Églises et à sa mission universelle de charité. Dans notre monde, marqué par les divisions et les inégalités, votre généreux engagement à servir tous les nécessiteux, en particulier les jeunes, offre une inspiration importante pour surmonter la mondialisation de l’indifférence et construire ensemble une société plus juste et plus inclusive. […]

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PAPE FRANÇOIS ANGÉLUS

À l’issue de l’Angélus Chers frères et sœurs, hier, en la mémoire liturgique de sainte Joséphine Bakhita, a été célébrée la journée mondiale de prière et de réflexion contre la traite des personnes. Pour guérir ce fléau — car c’est un véritable fléau! —, qui exploite les plus faibles, l’engagement de tous est nécessaire: les institutions, les associations et les agences éducatives. Sur le front de la prévention, je tiens à signaler que diverses recherches attestent que les organisations criminelles utilisent toujours davantage les moyens de communication moderne pour attirer leurs victimes par la tromperie. C’est pourquoi, il est d’une part nécessaire d’éduquer à une utilisation saine des moyens technologiques et, de l’autre, de veiller et de rappeler les fournisseurs de ces services télématiques à leurs responsabilités. Des nouvelles douloureuses continuent à parvenir du nord-ouest de la Syrie, en particulier sur les conditions de tant de femmes et d’enfants, des personnes obligées de fuir à cause de l’intensification du conflit militaire. Je renouvelle mon appel pressant à la communauté internationale et à tous les acteurs concernés à utiliser les instruments diplomatiques, du dialogue et des négociations, dans le respect du droit humanitaire international, pour sauvegarder la vie et le sort des civils. Prions pour la Syrie bien-aimée et martyrisée: Je vous salue Marie… […]