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DISCOURS DU SAINT-PÈRE FRANÇOIS EN CONCLUSION DE LA PRIÈRE ŒCUMÉNIQUE “LE SEIGNEUR DIEU A DES PROJETS DE PAIX. ENSEMBLE POUR LE LIBAN”

Chers frères et sœurs,
Nous nous sommes réunis aujourd’hui pour prier et réfléchir, poussés par la préoccupation pour le Liban, préoccupation forte, à la vue de ce pays que je porte dans le cœur et que j’ai le désir de visiter, précipité dans une grave crise. Je suis reconnaissant à tous les participants d’avoir accueilli rapidement l’invitation et pour le partage fraternel. Nous, pasteurs, soutenus par la prière du Peuple saint de Dieu, en ce moment sombre, nous avons cherché ensemble à nous tourner vers la lumière de Dieu. Et à sa lumière, nous avons vu avant tout nos opacités : les erreurs commises lorsque nous n’avons pas témoigné de l’Evangile avec cohérence et jusqu’au bout, les occasions perdues sur la voie de la fraternité, de la réconciliation et de la pleine unité. De cela nous demandons pardon et, le cœur contrit, nous disons : « Prends pitié, Seigneur » (Mt 15, 22). […]
[…] Projets de paix et non de malheur. En tant que chrétiens, nous voulons renouveler aujourd’hui notre engagement à construire un avenir ensemble, parce que l’avenir ne sera pacifique que s’il est commun. Les relations entre les hommes ne peuvent pas reposer sur la recherche d’intérêts, de privilèges et de gains partisans. Non, la vision chrétienne de la société vient des Béatitudes, elle jaillit de la douceur et de la miséricorde, elle porte à imiter dans le monde l’agir de Dieu qui est Père et qui veut la concorde entre ses enfants. Nous, chrétiens, nous sommes appelés à être des semeurs de paix et des artisans de fraternité, à ne pas vivre de rancœurs et de remords passés, à ne pas fuir les responsabilités du présent, à cultiver un regard d’espérance sur l’avenir. Nous croyons que Dieu indique une seule voie à notre marche : celle de la paix. Assurons donc aux frères et sœurs musulmans, et des autres religions, ouverture et disponibilité à collaborer pour construire la fraternité et pour promouvoir la paix. Celle-ci « n’exige ni vainqueurs ni vaincus, mais des frères et des sœurs qui, malgré les incompréhensions et les blessures du passé, cheminent du conflit à l’unité » (Discours, Rencontre interreligieuse, Plaine de Ur, 6 mars 2021). En ce sens, je souhaite que cette journée soit suivie d’initiatives concrètes sous le signe du dialogue, de l’engagement éducatif et de la solidarité. […]

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ANGÉLUS

A l’issue de l’Angelus:
Chers frères et sœurs,
[…] Je vous salue tous de tout cœur, pèlerins italiens et de divers pays; mais aujourd’hui, je m’adresse particulièrement aux Romains, en la fête de nos saints patrons. Je vous bénis, chers Romains! Tous mes vœux pour la ville de Rome: que grâce à votre engagement à tous, celui de tous les citoyens, elle soit vivable et accueillante, que personne ne soit exclu, que l’on prenne soin des enfants et des personnes âgées, qu’il y ait du travail et que celui-ci soit digne, que les pauvres et les derniers soient au cœur des projets politiques et sociaux. Je prie pour cela. Et vous aussi, très chers pèlerins de Rome, priez pour votre Evêque. Merci. […]

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DISCOURS DU PAPE FRANÇOIS À LA DÉLÉGATION DU PATRIARCAT ŒCUMÉNIQUE DE CONSTANTINOPLE

[…] Prendre au sérieux la crise que nous traversons signifie donc, pour nous, chrétiens en chemin vers la pleine communion, nous demander comment nous voulons avancer. Chaque crise conduit à un carrefour ouvrant sur deux voies: celle du repli sur soi-même, dans la recherche de ses propres sécurités et opportunités, ou celle de l’ouverture à l’autre, avec les risques que cela comporte, mais surtout avec les fruits de grâce que Dieu garantit. Chers frères, le moment n’est-il pas venu de donner, avec l’aide de l’Esprit, un nouvel élan à notre chemin pour faire tomber les vieux préjugés et dépasser définitivement les rivalités nuisibles? Sans ignorer les différences qui devront être surmontées à travers le dialogue, dans la charité et dans la vérité, ne pourrions-nous pas inaugurer une nouvelle phase des relations entre nos Eglises, caractérisée par le fait de marcher davantage ensemble, de vouloir faire de réels pas en avant, de nous sentir vraiment coresponsables les uns des autres. Si nous sommes dociles à l’amour, l’Esprit Saint, qui est l’amour créatif de Dieu et met de l’harmonie entre les diversités, ouvrira les voies pour une fraternité renouvelée. […]

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PAPE FRANÇOIS ANGÉLUS

A l’issue de l’Angelus:
Chers frères et sœurs!
[…] J’assure de ma proximité les populations du sud-est de la République
tchèque frappées par un fort ouragan. Je prie pour les morts et les blessés et
pour ceux qui ont dû quitter leurs maisons, gravement endommagées. […]

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LETTRE DU PAPE FRANÇOIS AUX PATRIARCHES CATHOLIQUES DU MOYEN-ORIENT

C’est avec joie que j’ai accepté l’invitation que vous m’avez adressée de m’unir à vous en ce jour spécial, où chacun de vous célèbre avec ses fidèles une divine liturgie pour demander au Seigneur le don de la paix au Moyen-Orient et le consacrer à la Sainte-Famille.

Depuis le début de mon pontificat, j’ai essayé d’être proche de vos souffrances, aussi bien en me faisant pèlerin tout d’abord en Terre Sainte, puis en Egypte, aux Emirats arabes unis et enfin, il y a quelques mois, en Irak, qu’en invitant toute l’Eglise à la prière et à la solidarité concrète pour la Syrie, pour le Liban, si éprouvés par la guerre et l’instabilité sociale, politique et économique. Ensuite, je me souviens bien de la rencontre du 7 juillet 2018 à Bari, et je vous remercie parce qu’avec votre rassemblement d’aujourd’hui vous préparez les cœurs pour la convocation du 1er juillet prochain au Vatican, avec tous les chefs des Eglises du Pays des Cèdres.

La Sainte-Famille de Jésus, Joseph et Marie, à laquelle vous avez choisi de consacrer le Moyen-Orient représente bien votre identité et votre mission. Celle-ci gardait avant tout le mystère du Fils de Dieu fait chair, elle s’est con-stituée autour de Jésus et en raison de Lui. Marie nous l’a donné, à travers son oui à l’annonce de l’ange à Nazareth, Joseph l’a accueilli, en restant même dans son sommeil, à l’écoute de la voix de Dieu et en étant prêt à accomplir sa volonté une fois éveillé. Un mystère d’humilité et de dépouillement, comme lors de la naissance de Bethléem, reconnu par les petits et par ceux qui sont éloignés, mais menacé par ceux qui étaient plus attachés au pouvoir terrestre qu’à s’émerveiller de l’accomplissement de la promesse de Dieu. Pour sauvegarder le Verbe fait chair, Joseph et Marie se mettent en route, pour se rendre en l’Egypte, en unissant à l’humilité de la naissance à Bethléem l’indigence des personnes contraintes à émigrer. C’est cependant ainsi qu’ils restent fidèles à leur vocation et ils anticipent inconsciemment ce destin d’exclusion et de persécution qui sera celui de Jésus devenu adulte, mais qui dévoilera la réponse du Père le matin de Pâques.

La consécration à la Sainte-Famille appelle aussi chacun de vous à redécouvrir en tant qu’individus et en tant que communautés votre vocation à être chrétiens au Moyen-Orient, non seulement en demandant la juste reconnaissance de vos droits en tant que citoyens originaires de ces terres bien-aimées, mais en vivant votre mission de gardiens et de témoins des premières origines apostoliques. Lors de mon voyage en Irak, j’ai utilisé à deux reprises l’image du tapis, que les mains habiles des hommes et des femmes du Moyen-Orient savent tisser, en créant des géométries précises et des images précieuses, qui sont cependant le fruit de l’entrelacement de nombreux fils qui seulement en étant ensemble, côte à côte, deviennent un chef-d’œuvre. Si la violence, l’envie, la division, peuvent réussir à arracher ne serait-ce qu’un de ces fils, tout l’ensemble est blessé et défiguré. A ce moment-là, les projets et les accords humains ne peuvent pas faire grand chose si nous ne faisons pas confiance au pouvoir de guérison de Dieu. N’essayez pas d’étancher votre soif aux sources empoisonnées de la haine, mais laissez la rosée de l’Esprit irriguer les sillons du champ de vos cœurs, comme l’ont fait les grands saints de vos traditions respectives: copte, maronite, melkite, syriaque, arménienne, chaldéenne, latine.

Combien de civilisations et de puissances ont surgi, ont fleuri puis ont disparu, avec leurs admirables œuvres et conquêtes sur le terrain: tout a passé. En revanche, à partir de notre père Abraham, la Parole de Dieu a continué à demeurer une lampe qui a éclairé et éclaire nos pas.

«Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix», a dit le Seigneur ressuscité aux disciples encore effrayés au Cénacle après Pâques: moi aussi, en vous remerciant pour votre témoignage et votre persévérance dans la foi, je vous invite à vivre la prophétie de la fraternité humaine, qui a été au centre de mes rencontres à Abou Dhabi et à Nadjaf, ainsi que de ma lettre encyclique Fratelli tutti.

Soyez vraiment le sel de vos terres, donnez de la saveur à la vie sociale en désirant contribuer à la construction du bien commun, selon ces principes de la doctrine sociale de l’Eglise qui a tant besoin d’être connue, comme l’avait indiqué l’exhortation apostolique post-synodale Ecclesia in Medio Oriente et comme vous avez voulu le rappeler en commémorant le 130e anniversaire de l’encyclique Rerum Novarum.

Alors que je donne de tout cœur ma Bénédiction apostolique à tous ceux qui ont participé à cette célébration et à ceux qui la suivront à travers les moyens de communication, je vous demande de prier pour moi.

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DISCOURS DU SAINT-PÈRE FRANÇOIS AUX MEMBRES DE LA CARITAS ITALIENNE POUR LE 50E ANNIVERSAIRE DE LA FONDATION

Chers frères et sœurs, bonjour et bienvenue à tous !
Je remercie le Cardinal Bassetti et le Président de Caritas Italiana, Monseigneur
Redaelli, pour les paroles qu’ils m’ont adressées au nom de tous. Merci. Vous
êtes venus de toute l’Italie, représentant les 218 Caritas diocésaines et Caritas
italiennes, et je suis heureux de partager avec vous ce Jubilé, votre
cinquantième année de vie ! Tu es une partie vivante de l’Église, tu es « notre
Caritas », comme aimait à le dire saint Paul VI, le Pape qui l’a voulue et qui l’a
mise en place. Il a encouragé la Conférence épiscopale italienne à se doter d’un
corps pastoral pour promouvoir le témoignage de charité dans l’esprit du Concile
Vatican II, afin que la communauté chrétienne soit un sujet de charité. Je
confirme votre tâche : dans le changement d’ère actuel, les défis et les
difficultés sont nombreux, il y a de plus en plus de visages des situations
pauvres et complexes dans la région. Mais – disait saint Paul VI – « nos Caritas
font de leur mieux » (Angélus, 18 janvier 1976). Et c’est vrai !
Le 50e anniversaire est une étape pour remercier le Seigneur pour les progrès
accomplis et pour renouveler, avec son aide, l’enthousiasme et les engagements.
À cet égard, je voudrais vous montrer trois voies, trois routes sur lesquelles
continuer le voyage.
Le premier est le chemin du dernier. C’est d’eux que nous partons, des plus
fragiles et sans défense. D’eux. Si vous ne commencez pas par eux, vous ne
comprenez rien. Et je me permets une confiance. L’autre jour, j’ai entendu, à ce
sujet, des paroles vécues par l’expérience, de la bouche de Don Franco, ici
présent. Il ne veut pas qu’on dise « éminence », « cardinal Monténégro » : Don
Franco. Et il m’a expliqué ça, la moindre des choses, parce qu’il a vécu ça toute
sa vie. En lui, je remercie tant d’hommes et de femmes qui font la charité parce
qu’ils l’ont vécue ainsi, ils ont compris la voie des moindres. La charité est la
miséricorde qui cherche les plus faibles, qui va jusqu’aux frontières les plus
difficiles pour libérer les personnes de l’esclavage qui les opprime et les rend
protagonistes de leur propre vie. De nombreux choix significatifs, au cours de
ces cinq décennies, ont aidé Caritas et les Églises locales à pratiquer cette
miséricorde : de l’objection de conscience au soutien au volontariat ; de
l’engagement en coopération avec le Sud de la planète aux interventions en cas
d’urgence en Italie et dans le monde ; d’une approche globale du phénomène
complexe de la migration, avec des propositions innovantes telles que les
corridors humanitaires, à l’activation d’outils capables de rapprocher la réalité,
tels que les centres d’écoute, les observateurs de la pauvreté et des ressources.
Il est beau d’élargir les chemins de la charité, en gardant toujours le regard fixé
sur le moindre des temps. Élargir le regard, oui, mais en partant des yeux des
pauvres devant moi. Là tu apprends. Si nous ne sommes pas capables de
regarder les pauvres dans les yeux, de les regarder dans les yeux, de les
toucher avec une étreinte, avec la main, nous ne ferons rien. C’est avec leurs
yeux que nous devons regarder la réalité, car en regardant les yeux des
pauvres, nous regardons la réalité d’une manière différente de ce qui vient dans
notre mentalité. L’histoire n’est pas regardée du point de vue des vainqueurs,
qui la font paraître belle et parfaite, mais du point de vue des pauvres, car c’est
la perspective de Jésus. Ce sont les pauvres qui ont mis le doigt sur la plaie de
nos contradictions et troubler notre conscience d’une manière salutaire, nous
invitant à changer. Et quand notre cœur, notre conscience, en regardant les
pauvres, les pauvres, ne s’inquiète pas, s’arrête…, il faut s’arrêter : quelque
chose ne marche pas.
Une deuxième voie indispensable : la voie de l’Evangile. Je veux parler du style à
avoir, qui n’en est qu’un, celui de l’Évangile. C’est le style de l’amour humble,
concret mais non voyant, qui est proposé mais non imposé. C’est le style de
l’amour gratuit, qui ne cherche pas de récompenses. C’est le style de
disponibilité et de service, à l’imitation de Jésus qui est devenu notre serviteur.
C’est le style décrit par saint Paul, lorsqu’il dit que la charité « couvre tout, croit
tout, espère tout, supporte tout » (1 Co 13, 7). Je suis frappé par le mot tout.
Tout. On le dit à nous, qui aimons faire des distinctions. Tout. La charité est
inclusive, elle ne s’occupe pas seulement de l’aspect matériel et pas seulement
de l’aspect spirituel. Le salut de Jésus embrasse tout l’homme. Nous avons
besoin d’une charité dédiée au développement intégral de la personne : une
charité spirituelle, matérielle, intellectuelle. C’est le style intégral que vous avez
vécu dans les grandes calamités, aussi à travers les jumelages, une belle
expérience d’alliance totale dans la charité entre les Églises en Italie, en Europe
et dans le monde. Mais cela – vous le savez bien – ne doit pas survenir
seulement à l’occasion de calamités : nous avons besoin que Caritas et les
communautés chrétiennes soient toujours à la recherche de servir toute la
personne, car « l’homme est le chemin de l’Église », selon la synthèse
expression de saint Jean-Paul II (cf. Encyclique Redemptor hominis, 14)
Le chemin de l’Évangile nous montre que Jésus est présent en chaque pauvre.
Cela nous fait du bien de nous en souvenir pour nous libérer de la tentation
toujours récurrente de l’autoréférentialité ecclésiastique et être une Église de
tendresse et de proximité, où les pauvres sont bénis, où la mission est au
centre, où naît la joie de service. Souvenons-nous que le style de Dieu est le
style de proximité, de compassion et de tendresse. C’est le style de Dieu.Il
existe deux cartes évangéliques qui nous aident à ne pas nous perdre en chemin
: les Béatitudes (Mt 5, 3-12) et Matthieu 25 (vv. 31-46). Dans les Béatitudes, la
condition des pauvres se revêt d’espérance et leur consolation devient réalité,
tandis que les paroles du Jugement dernier – le protocole selon lequel nous
serons jugés – nous font trouver Jésus présent dans les pauvres de tous les
temps. Et des fortes expressions de jugement du Seigneur nous tirons aussi
l’invitation à la parrhesia de la dénonciation. Ce n’est jamais une polémique
contre personne, mais une prophétie pour tous : c’est proclamer la dignité
humaine quand elle est piétinée, c’est faire entendre le cri étouffé des pauvres,
c’est donner la parole à ceux qui n’en ont pas.
Et la troisième voie est la voie de la créativité. La riche expérience de ces
cinquante années n’est pas une richesse à répéter ; elle est la base sur laquelle
construire pour décliner sans cesse ce que saint Jean-Paul II appelait le
fantasme de la charité (cf. Lettre apostolique Novo millennio ineunte, 50). Ne
vous laissez pas décourager par le nombre croissant de nouveaux pauvres et de
nouvelles pauvretés. Il y en a beaucoup et ils grandissent ! Continuez à cultiver
des rêves de fraternité et à être des signes d’espérance. Contre le virus du
pessimisme, faites-vous vacciner en partageant la joie d’être une grande famille.
Dans cette atmosphère fraternelle, l’Esprit Saint, créateur et créateur, mais aussi
poète, proposera des idées nouvelles, adaptées à l’époque où nous vivons.
Et maintenant – après ce sermon de Carême ! – Je voudrais vous dire merci,
merci : merci, les opérateurs, les prêtres et les bénévoles ! Merci aussi car à
l’occasion de la pandémie le réseau Caritas a intensifié sa présence et a allégé la
solitude, la souffrance et les besoins de beaucoup. Ce sont des dizaines de
milliers de bénévoles, dont de nombreux jeunes, y compris ceux impliqués dans
la fonction publique, qui ont offert en ce temps une écoute et des réponses
concrètes aux personnes en détresse. Je voudrais faire attention aux jeunes. Ils
sont les victimes les plus fragiles de cette ère de changement, mais aussi les
architectes potentiels d’un changement d’ère. Ils sont les protagonistes du futur.
Ils ne sont pas le futur, ils sont le présent, mais les protagonistes du futur. Le
temps qui leur est consacré n’est jamais perdu, à tisser ensemble, avec amitié,
enthousiasme, patience, des relations qui dépassent les cultures de l’indifférence
et de l’apparence. Il ne suffit pas de « j’aime » pour vivre : il y a besoin de
fraternité, il y a besoin de vraie joie. Caritas peut être un terrain d’apprentissage
de la vie pour faire découvrir à de nombreux jeunes le sens du don, leur faire
savourer le bon goût de se retrouver en se consacrant aux autres. Ce faisant,
Caritas elle-même restera jeune et créative, elle gardera un regard simple et
direct, qui se tourne sans crainte vers le Haut et vers l’autre, comme le font les
enfants. N’oubliez pas le modèle des enfants : vers le haut et vers l’autre.
Chers amis, souvenez-vous de ces trois chemins et suivez-les avec joie :
commencer par le plus petit, conserver le style de l’Évangile, développer la
créativité. Je vous salue par une phrase de l’Apôtre Paul, que nous célébrerons
dans quelques jours : « L’amour du Christ nous possède » (2 Co 5, 14). L’amour
du Christ nous possède. Je souhaite que vous vous laissiez posséder par cette
charité : sentez-vous chaque jour choisis pour l’amour, vivez la caresse
miséricordieuse du Seigneur qui repose sur vous et portez-la aux autres. Je vous
accompagne par la prière et vous bénis ; et je vous prie de prier pour moi.
Merci!

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DISCOURS DU PAPE FRANÇOIS AUX PARTICIPANTS À L’ASSEMBLÉE DE LA RÉUNION DES ŒUVRES POUR L’AIDE AUX ÉGLISES ORIENTALES (R.O.A.C.O.)

Je suis heureux de vous rencontrer au terme des travaux de votre session
plénière. Je salue le cardinal Leonardo Sandri, le cardinal Zenari, Mgr Pizzaballa,
les autres supérieurs du dicastère — qui ont changé entre temps — les officials
et les membres des agences qui composent votre assemblée.
Le fait de se retrouver en présentiel donne confiance et aide votre travail, alors
que l’année dernière, il a seulement été possible de se connecter à distance
pour réfléchir ensemble; mais nous savons que ce n’est pas la même chose:
nous avons besoin de nous rencontrer, de mieux faire dialoguer les paroles et les
pensées, pour accueillir les demandes et le cri qui parviennent de tant de parties
du monde, en particulier des Eglises et des pays pour lesquels vous accomplissez
votre œuvre. J’en suis moi-même témoin, parce que c’est précisément dans ce
contexte qu’en 2019, j’ai annoncé mon intention de me rendre en Irak et, grâce
à Dieu, j’ai pu réaliser ce désir il y a quelques mois. J’ai été content d’insérer
votre représentante parmi les personnes de ma suite, également en signe de
gratitude pour ce que vous avez fait et ce que vous ferez.
En dépit de la pandémie, vous avez eu des réunions extraordinaires au cours de
cette année, pour affronter la situation de l’Erythrée comme pour suivre celle du
Liban, après la terrible explosion dans le port de Beyrouth, le 4 août dernier. Et à
ce propos, je vous remercie pour votre engagement à soutenir le Liban dans
cette grave crise; et je vous demande de prier et d’inviter à le faire pour la
rencontre que nous aurons le 1er juillet, avec les chefs des Eglises chrétiennes du
pays, afin que l’Esprit Saint nous guide et nous éclaire.
A travers vous, je désire faire parvenir mes remerciements à toutes les
personnes qui soutiennent vos projets et qui les rendent possibles: ce sont
souvent de simples fidèles, des familles, des paroisses, des bénévoles… qui
savent que nous sommes «tous frères» et qui consacrent un peu de leur temps
et de leurs ressources à ces réalités dont vous prenez soin. Ils m’ont dit qu’en
2020, la Collecte pour la Terre Sainte a pu recueillir environ la moitié de ce
qu’elle recueillait les années passées. Les longs mois où les personnes n’ont pas
pu se rassembler dans les églises pour les célébrations ont certainement pesé,
mais également la crise économique générée par la pandémie. Si, d’un côté, cela
nous fait du bien en nous poussant à aller à l’essentiel, nous ne pouvons
toutefois pas rester indifférents, notamment si nous pensons aux rues désertes
de Jérusalem, sans pèlerins venant se ressourcer dans la foi, mais aussi
exprimer leur solidarité concrète avec les Eglises et les populations locales. Je
renouvelle donc mon appel à tous, afin que l’on redécouvre l’importance de cette
charité, dont parlait déjà saint Paul dans ses Lettres et que saint Paul vi a voulu
réorganiser avec l’exhortation apostolique Nobis in animo, en 1974, que je
propose à nouveau dans toute son actualité et sa vali-dité.
Au cours de votre réunion, vous vous êtes arrêtés sur différents contextes
géographiques et ecclésiaux. Avant tout la Terre Sainte elle-même, avec Israël et
la Palestine, ces peuples pour lesquels nous rêvons toujours que se dessine dans
le ciel l’arc de la paix, donné par Dieu à Noé en signe de l’alliance entre le Ciel et
la terre et de la paix parmi les hommes (cf. Gn 9, 12-17). Trop souvent en
revanche, même récemment, ces cieux sont sillonnés par des engins porteurs de
destruction, de mort et de peur!
Le cri qui s’élève de la Syrie est toujours présent dans le cœur de Dieu, mais il
semble qu’il ne parvienne pas à toucher celui des hommes qui ont en main le
sort des peuples. Le scandale de dix années de conflit perdure, avec ses millions
de personnes déplacées à l’intérieur et à l’extérieur du pays, ses victimes et
l’exigence d’une reconstruction qui est encore l’otage des logiques de partis et
du manque de décisions courageuses pour le bien de cette nation martyrisée.
Outre la présence du cardinal Zenari, nonce apostolique à Damas, celle des
représentants pontificaux au Liban, en Irak, en Ethiopie, en Arménie et en
Géorgie, que je salue et que je remercie de tout cœur, vous a permis de réfléchir
sur la situation ecclésiale dans ces pays. Votre style est précieux, parce qu’il aide
les pasteurs et les fidèles à se concentrer sur l’essentiel, c’est-à-dire sur ce qui
sert à l’annonce de l’Evangile, en manifestant ensemble le visage de l’Eglise qui
est Mère et en portant une attention particulière aux petits et aux pauvres.
Parfois, il est nécessaire de reconstruire les bâtiments et les cathédrales, y
compris celles qui ont été détruites par les guerres, mais il faut avant tout avoir
à cœur les pierres vivantes qui sont blessées et dispersées.
Je suis avec appréhension la situation provoquée par le conflit dans la région du
Tigré, en Ethiopie, sachant qu’elle a également des répercussions sur l’Erythrée
voisine. Au-delà des différences religieuses et confessionnelles, nous réalisons
combien est essentiel le message de Fratelli tutti, lors-que les différences entre
ethnies et les luttes pour le pouvoir qui s’ensuivent sont érigées en système.
Au terme de mon voyage apostolique en Arménie, en 2016, avec le catholicos
Karékine II, nous avons lâché des colombes dans le ciel, en signe et souhait de
paix dans la région du Caucase tout entière. Malheureusement, ces derniers
mois, elle a été encore une fois blessée et je vous remercie de l’attention que
vous avez portée à la réalité de la Géorgie et de l’Arménie, afin que la
communauté catholique continue d’être un signe et un ferment de vie
évangélique.
Très chers amis, merci pour votre présence, merci pour votre écoute et votre
œuvre. Je bénis chacun de vous et votre travail. Et vous, s’il vous plaît,
continuez à prier pour moi. Merci!

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PAPE FRANÇOIS ANGÉLUS

Chers frères et sœurs, bonjour!
Dans la liturgie d’aujourd’hui, on raconte l’épisode de la tempête apaisée par
Jésus (Mc 4, 35-41). La barque sur laquelle les disciples sont en train de
traverser le lac est assaillie par le vent et par les vagues et ces derniers
craignent de faire naufrage. Jésus est avec eux sur la barque, mais il est à
l’arrière sur un oreiller et il dort. Les disciples, effrayés, crient vers lui: «Maître,
nous sommes perdus; cela ne te fait rien?» (v. 38).
Et très souvent, nous aussi, assaillis par les épreuves de la vie, nous avons crié
vers le Seigneur: “Pourquoi est-ce que tu restes silencieux et que tu ne fais rien
pour moi?”. Surtout quand nous avons l’impression de couler, parce que l’amour
ou le projet dans lequel nous avions placés de grands espoirs s’effondre; ou
quand nous sommes à la merci des vagues insistantes de l’angoisse; ou quand
nous nous sentons submergés par des problèmes ou perdus au milieu de la mer
de la vie, sans route et sans port. Ou bien encore, dans les moments où nous
manque la force pour avancer, parce que nous n’avons pas de travail ou qu’un
diagnostic inattendu nous fait trembler pour notre santé ou pour celle d’une
personne chère. Il y a de nombreux moments où nous nous sentons dans la
tempête, ou nous nous sentons presque finis.
Dans ces situations et dans tant d’autres, nous nous sentons nous aussi étouffés
par la peur et, comme les disciples, nous risquons de perdre de vue la chose la
plus importante. Sur la barque, en effet, même s’il dort, il y a Jésus, et il
partage avec les siens tout ce qui est en train de se passer. Si d’un côté son
sommeil nous étonne, de l’autre, il nous met à l’épreuve. Le Seigneur est là,
présent; en effet, il attend – pour ainsi dire – que ce soit nous qui l’impliquions,
qui l’invoquions, qui le mettions au centre de ce que nous vivons. Son sommeil
nous pousse à nous réveiller. Parce que, pour être des disciples de Jésus, il ne
suffit pas de croire que Dieu est là, qu’il existe, mais il faut se mettre en jeu
avec Lui, il faut aussi élever la voix avec Lui. Entendez bien cela: il faut crier
vers Lui. La prière, bien souvent, est un cri: “Seigneur, sauve-moi!”. Je regardais
l’émission “A sua immagine” (A son image), aujourd’hui, Journée du réfugié…
tous ceux qui arrivent dans des embarcations et qui au moment de se noyer,
crient: “Sauve-nous!”. Dans notre vie aussi, il se passe la même chose:
“Seigneur, sauve-nous!”, et la prière devient un cri.
Aujourd’hui nous pouvons nous demander: quels sont les vents qui s’abattent
sur ma vie, quelles sont les vagues qui entravent ma navigation et qui mettent
en danger ma vie spirituelle, ma vie de famille, également ma vie psychique?
Disons tout cela à Jésus, racontons-lui tout. Il le souhaite, il veut que nous nous
accrochions à Lui pour trouver un abri contre les tempêtes de la vie. L’Evangile
raconte que les disciples s’approchent de Jésus, le réveillent et lui parlent (cf. v.
38). C’est le commencement de notre foi: reconnaître que tout seuls nous ne
sommes pas en mesure de rester à flot, que nous avons besoin de Jésus comme
les marins des étoiles, pour trouver la route. La foi commence par le fait de
croire que nous ne nous suffisons pas à nous-mêmes, par le fait de sentir que
nous avons besoin de Dieu. Quand nous dépassons la tentation de nous
renfermer en nous-mêmes, quand nous dépassons la fausse religiosité qui ne
veut pas déranger Dieu, quand nous crions vers Lui, Il peut faire en nous des
merveilles. C’est la force humble et extraordinaire de la prière, qui accomplit des
miracles.
Jésus, prié par ses disciples, calme le vent et les vagues. Et il leur pose une
question, qui nous concerne nous aussi: «Pourquoi êtes-vous si craintifs?
N’avez-vous pas encore la foi?» (v. 40). Les disciples s’étaient fait prendre par la
peur, parce qu’ils fixaient les vagues plutôt que regarder Jésus. Et la peur nous
conduit à regarder les difficultés, les problèmes graves plutôt qu’ à regarder le
Seigneur, qui dort souvent. Pour nous aussi il en est ainsi: combien de fois
restons-nous à fixer les problèmes plutôt que d’aller vers le Seigneur et déverser
en Lui nos soucis! Combien de fois laissons-nous le Seigneur dans un coin, au
fond de la barque de la vie, pour le réveiller seulement au moment du besoin!
Demandons aujourd’hui la grâce d’une foi qui ne se lasse pas de chercher le
Seigneur, de frapper à la porte de son Cœur. Que la Vierge Marie, qui dans sa vie
n’a jamais cessé de faire confiance à Dieu, réveille en nous le besoin vital de
nous confier à Lui tous les jours.
A l’issue de l’Angelus:
Chers frères et sœurs,
J’unis ma voix à celle des évêques de Birmanie, qui la semaine dernière ont
lancé un appel en attirant l’attention du monde entier sur la situation déchirante
de milliers de personnes qui sont déplacées dans ce pays et qui meurent de
faim: «Nous supplions humblement de permettre des couloirs humanitaires» et
que «les églises, les pagodes, les monastères, les mosquées, les temples, ainsi
que les écoles et les hôpitaux» soient respectés comme des lieux de refuge
neutres. Que le Cœur du Christ touche les cœurs de tous en apportant la paix en
Birmanie!
On célèbre aujourd’hui la Journée mondiale des réfugiés, promue par les Nations
unies, sur le thème «Ensemble, nous pouvons faire la différence». Ouvrons notre
cœur aux réfugiés; faisons nôtres leurs tristesses et leurs joies; apprenons de
leur résilience courageuse! Et ainsi, tous ensemble, nous ferons grandir une
communauté plus humaine, une seule grande famille.

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MESSAGE VIDÉO DU PAPE FRANÇOIS A L’OCCASION DE LA 109e RÉUNION DE LA CONFÉRENCE INTERNATIONALE DU TRAVAIL DE L’OIL (ORGANISATION INTERNATIONALE DU TRAVAIL)

Je remercie le directeur général, M. Guy Ryder, qui m’a invité si aimablement à
présenter ce message au sommet sur le monde du travail. Cette conférence a
été convoquée à un moment crucial de l’histoire sociale et économique, qui
présente de graves et vastes défis pour le monde entier. Ces derniers mois,
l’Organisation internationale du travail, à travers ses compte-rendus périodiques,
a accompli un travail digne d’éloges, en consacrant une attention particulière à
nos frères et sœurs les plus vulnérables.
Au cours de cette crise persistante, nous devrions continuer à avoir un «soin
particulier» du bien commun. Beaucoup des bouleversements possibles et
prévus ne se sont pas encore manifestés, des décisions attentives seront donc
demandées. La diminution des heures de travail au cours des dernières années
s’est traduite aussi bien en perte d’emplois qu’en une réduction de la journée de
travail de ceux qui l’ont con-servée. Beaucoup de services publics, ainsi que des
entreprises, ont dû faire face à de terribles difficultés, certains en courant le
risque de connaître une faillite totale ou partielle. Dans le monde entier, nous
avons observéune perte d’emploi sans précédent en 2020.
Dans la hâte de revenir à une plus grande activité économique, au terme de la
menace du Covid-19, évitons les fixations insistantes sur le profit, l’isolement et
le nationalisme, le consumérisme aveugle et la négation des évidences claires
qui signalent la discrimination de nos frères et sœurs «que l’on peut exclure» de
notre société. Au contraire, recherchons des solutions qui nous aident à
construire un nouvel avenir du travail fondé sur des conditions de travail
décentes et dignes, issu d’une négociation collective, et qui promeuve le bien
commun, une base qui fera du travail une composante essentielle de notre soin
de la société et de la création. Dans ce sens, le travail est vraiment et
essentiellement humain. C’est de cela qu’il s’agit, qu’il soit humain.
En rappelant le rôle fondamental que jouent cette Organisation et cette
Conférence comme domaines privilégiés pour un dialogue constructif, nous
sommes appelés à donner la priorité à notre réponse à l’égard des travailleurs
qui se trouvent en marge du monde du travail et qui sont encore frappés par la
pandémie du Covid-19; les travailleurs peu qualifiés, les travailleurs journaliers,
ceux du secteur informel, les travailleurs migrants et réfugiés, ceux qui exercent
ce que l’on à l’habitude d’appeler «le travail à trois dimensions»: dangereux, sale
et dégradant, et la liste pourrait continuer.
De nombreux migrants et travailleurs vulnérables, avec leurs familles, restent
généralement exclus de l’accès à des programmes nationaux de promotion de la
santé, de prévention des maladies, de soin et d’assistance, ainsi que des plans
de protection financière et des services psycho-sociaux. C’est l’un des nombreux
cas de cette philosophie de l’exclusion que nous nous sommes habitués à
imposer dans nos sociétés. Cette exclusion complique l’identification précoce,
l’exécution de tests, le diagnostic, le traçage des contacts et la recherche
d’assistance médicale pour le Covid-19 pour les réfugiés et les migrants, et elle
augmente donc le risque que naissent des foyers au sein de ces populations.
Ces foyers peuvent ne pas être contrôlés ou même se cacher de manière active,
ce qui constitue une menace supplémentaire pour la santé publique (Cf.
“Preparedness, prevention, and control of coronavirus disease (Covid-19) for
refugees and migrants in non-camp settings”, Interim Guidance, World Health
Organization, 17 April 2020).
La manque de mesures de protection sociale face à l’impact du Covid-19 a
provoqué une augmentation de la pauvreté, le chômage, le sous-emploi,
l’augmentation du travail informel, le retard de l’insertion des jeunes sur le
marché du travail, ce qui est très grave, l’augmentation du travail des enfants,
ce qui est encore plus grave, la vulnérabilité en ce qui concerne le trafic des
personnes, l’insécurité alimentaire et une plus grande exposition à l’infection
parmi des populations telles que les malades et les personnes âgées. C’est
pourquoi je remercie pour cette opportunité d’exposer certaines préoccupations
et observations clés.
En premier lieu, la mission fondamentale de l’Eglise est de faire appel à tous
pour travailler ensemble, avec les gouvernements, les organisations
multilatérales et la société civile, en vue de servir et de prendre soin du bien
commun et de garantir la participation de tous dans cet engagement. Personne
ne devrait être laissé de côté dans un dialogue pour le bien commun, dont
l’objectif est surtout de construire, de consolider la paix et la confiance entre
tous. Les plus vulnérables — les jeunes, les migrants, les communautés
autochtones, les pauvres — ne peuvent pas être laissés de côté dans un dialogue
qui devrait réunir également les gouvernements, les entrepreneurs et les
travailleurs. Il est également essentiel que toutes les confessions et les
communautés religieuses s’engagent ensemble. L’Eglise a une longue expérience
dans la participation à ces dialogues à travers ses communautés locales, ses
mouvements populaires et ses organisations, et elle s’offre au monde comme
une cons-tructrice de ponts pour aider à créer les conditions de ce dialogue ou
bien, là où cela est opportun, pour aider à le faciliter. Ces dialogues pour le bien
commun sont essentiels pour construire un avenir solidaire et durable de notre
maison commune et ils devraient se tenir au niveau aussi bien communautaire
que national et international. Et l’une des caractéristiques du vrai dialogue est
que ceux qui dialoguent soient sur le même niveau de droits et de devoirs. Il ne
faut pas que quelqu’un qui à moins de droits ou plus de droits dialogue avec
quelqu’un qui n’en a pas. Le même niveau de droits et de devoirs garantit ainsi
un dialogue sérieux.
En deuxième lieu, il est également essentiel pour la mission de l’Eglise de
garantir que tous obtiennent la protection dont ils ont besoin, selon leurs
vulnérabilités: maladie, âge, handicap, déplacement, marginalisation ou
dépendance. Les systèmes de protection sociale, qui à leur tour affrontent des
risques importants, doivent être soutenus et amplifiés pour assurer l’accès aux
services sanitaires, à l’alimentation et aux biens humains de base. A une époque
d’urgence, comme celle de la pandémie de Covid-19, des mesures spéciales
d’assistance sont nécessaires. Une attention particulière à la prestation intégrale
et efficace d’assistance à travers les services publics est à son tour importante.
Les systèmes de protection sociale ont été appelés à affronter un grand nombre
des défis de la crise, et dans le même temps leurs points faibles sont devenus
plus évidents. Enfin, il faut garantir la protection des travailleurs et des plus
vulnérables grâce au respect de leurs droits fondamentaux, y compris le droit à
la syndicalisation. S’unir dans un syndicat est en effet un droit. La crise du Covid
a déjà marqué les plus vulnérables et ces derniers ne devraient pas être frappés
de manière négative par les mesures pour accélérer une reprise qui serait
uniquement centrée sur les indicateurs économiques. Là aussi une réforme du
mode économique est donc nécessaire; une réforme totale de l’économie. La
manière de faire avancer l’économie doit être différente, elle doit changer à son
tour.
En ce moment de réflexion, où nous cherchons à modeler notre action future et
à donner forme à un agenda international post-Covid-19, nous devrions prêter
une attention particulière au danger réel d’oublier ceux qui sont restés en
arrière. Ils courent le risque d’être attaqués par un virus encore pire que le
Covid-19: celui de l’indifférence égoïste. En effet, une société ne peut pas
progresser en excluant, elle ne peut pas progresser. Ce virus se propage en
pensant que la vie est meilleure si elle est meilleure pour moi, et que tout ira
bien si tout ira bien pour moi, et ainsi on commence et on finit par sélectionner
une personne à la place d’une autre, en rejetant les pauvres, en sacrifiant ceux
qui sont restés en arrière sur le soi-disant «autel du progrès». C’est une
véritable dynamique élitiste au prix de l’exclusion de nombreuses personnes et
de nombreux peuples.
En regardant l’avenir, il est fondamental que l’Eglise, et donc l’action du
Saint-Siège avec l’Organisation internationale du travail, soutienne des mesures
qui corrigent les situations injustes ou incorrectes qui conditionnent les rapports
de travail, en les rendant com-plètement soumis à l’idée d’«exclusion», ou en
violant les droits fondamentaux des travailleurs. Une menace est constituée par
les théories qui considèrent le bénéfice et la consommation comme des éléments
indépendants ou comme des variables autonomes de la vie économique, en
excluant les travailleurs et en déterminant pour eux un standard de vie
déséquilibré: «Aujourd’hui, tout entre dans le jeu de la compétitivité et de la loi
du plus fort, où le puissant mange le plus faible. Comme conséquence de cette
situation, de grandes masses de population se voient exclues et marginalisées:
sans travail, sans perspectives, sans voies de sortie» (Evangelii gaudium, n. 53).
La pandémie actuelle nous a rappelé qu’il n’y a pas de différences ni de
frontières entre ceux qui souffrent. Nous sommes tous fragiles et, dans le même
temps, tous de grande valeur. Espérons que ce qui se passe autour de nous nous
ébranle profondément. Le moment est venu d’éliminer les inégalités, de soigner
l’injustice qui mine la santé de toute la famille humaine. Face à l’agenda de
l’Organisation internationale du travail, nous devons continuer comme nous
l’avons déjà fait en 1931, quand le Pape Pie XI, après la crise de Wall Street et
au beau milieu de la «Grande dépression», dénonça l’asymétrie entre les
travailleurs et les entrepreneurs comme une injustice flagrante qui donnait carte
blanche et disponibilité au capital. Il disait ce qui suit: «Certes le capital a
longtemps réussi à s’arroger des avantages excessifs. Il réclamait pour lui la
totalité du produit et du bénéfice, laissant à peine à la classe des travailleurs de
quoi refaire ses forces et se perpétuer» (Quadragesimo anno, n. 55). Même dans
ces circonstances, l’Eglise promut la position selon laquelle la rémunération pour
le travail accompli doit non seulement être destinée à satisfaire les besoins
immédiats et actuels des travailleurs, mais également à créer la capacité des
travailleurs de sauvegarder l’épargne future de leurs familles et les
investissements capables de garantir une marge de sécurité pour l’avenir.
Ainsi, depuis la première session de la Conférence internationale, le Saint-Siège
soutient une réglementation uniforme applicable au travail dans tous ses divers
aspects, comme garantie pour les travailleurs (Cf. Lettre “Noi rendiamo grazie ”
from Pope Leo XIII to His Majesty Wilhelm II, of 14 March 1890). Sa conviction
est que le travail, et par conséquent les travailleurs, peuvent compter sur des
garanties, un soutien et un renforcement si on les protège du «jeu» de la
dérégulation. En outre, les normes juridiques doivent être orientées vers la
croissance de l’emploi, le travail digne et les droits et devoirs de la personne
humaine. Ce sont tous des instruments nécessaires à son bien-être, au
développement humain intégral et au bien commun.
L’Eglise catholique et l’Organisation internationale du travail, répondant à leurs
différentes nature et fonctions, peuvent continuer à mettre en œuvre leurs
stratégies respectives, mais elles peuvent également profiter des options qui se
présentent pour collaborer dans une vaste gamme d’actions importantes.
Pour promouvoir cette action commune, il est nécessaire de comprendre
correctement le travail. Le premier élément de cette compréhension nous invite
à concentrer l’attention nécessaire sur toutes les formes de travail, y compris les
formes atypiques d’emploi. Le travail va au-delà de ce qui est traditionnellement
connu comme «emploi formel» et l’Agenda du travail décent doit inclure toutes
les formes de travail. Le manque de protection sociale des travailleurs de
l’économie informelle et de leurs familles les rend particulièrement vulnérables
aux conflits, car ils ne peuvent pas compter sur la protection qu’offrent la
sécurité sociale ou les régimes d’assistance sociales destinés à la pauvreté. Les
femmes travaillant dans l’économie informelle, y compris les vendeuses
ambulantes et les collaboratrices domestiques, subissent l’impact du Covid-19
sous divers aspects: de l’isolement à l’exposition extrême aux risques pour la
santé. N’ayant pas accès aux crèches, les enfants de ces travailleuses sont
exposés à un plus grand risque pour la santé, parce que leurs mères doivent les
emmener sur leur lieu de travail ou les laisser à la maison sans surveillance. Il
est donc particulièrement nécessaire de garantir que l’assistance sociale arrive à
l’économie informelle et prête une attention spéciale aux besoins particuliers des
femmes et des enfants.
La pandémie nous rappelle que de nombreuses femmes dans le monde entier
continuent de verser des larmes pour la liberté, la justice et l’égalité entre toutes
les personnes humaines: «Bien que de notables améliorations aient eu lieu dans
la reconnaissance des droits des femmes à intervenir dans l’espace public, il y a
encore beaucoup de chemin à parcourir dans certains pays. On n’a pas fini
d’éradiquer des coutumes inacceptables. Je souligne la violence honteuse qui
parfois s’exerce sur les femmes, les abus dans le cercle familial et diverses
formes d’esclavage […] Je pense à […] l’inégalité d’accès à des postes de travail
dignes et aux lieux où se prennent les décisions» (Amoris laetitia, n. 54).
Le deuxième élément pour une correcte compréhension du travail: si le travail
est un rapport, alors il doit inclure la dimension du soin, parce qu’aucun rapport
ne peut survivre sans soin. Nous ne nous référons pas ici uniquement au travail
d’assistance: la pandémie nous rappelle son importance fondamentale, que nous
avons peut-être négligée. Le soin va au-delà, il doit être une dimen-sion de
chaque travail. Un travail qui ne prend pas soin, qui détruit la création, qui met
en danger la survie des générations futures, n’est pas respectueux de la dignité
des travailleurs et ne peut être considéré comme décent. Au contraire, un travail
qui prend soin et qui contribue à la restauration de la pleine dignité humaine,
contribuera à assurer un avenir durable aux générations futures (Cf. Care is
work, work is care, Report of “The future of work, labour after Laudato Si’
project”). Et les travailleurs entrent en premier lieu dans cette dimension du
soin. Ou encore, une question que nous pouvons nous poser quotidiennement:
comment une entreprise, disons, prend-elle soin de ses travailleurs?
Outre une correcte compréhension du travail, sortir dans de meilleures
conditions de la crise exigera le développement d’une culture de la solidarité,
pour lutter contre la culture du rebut qui est à l’origine de l’inégalité et qui afflige
le monde. Pour atteindre cet objectif, il faudra valoriser la contribution de toutes
les cultures, comme celle autochtone, celle populaire, qui sont souvent
considérées comme marginales, mais qui maintiennent vive la pratique de la
solidarité, qui «exprime beaucoup plus que certains actes sporadiques de
générosité». Chaque peuple possède sa propre culture, et je crois que le
moment est venu de nous libérer définitivement de l’héritage du siècle des
Lumières, qui associait le terme culture à un certain type de formation
intellectuelle et d’appartenance sociale. Chaque peuple possède sa propre
culture et nous devons l’accepter telle qu’elle est. «C’est penser et agir en
termes de communauté, de priorité de la vie de tous sur l’appropriation des
biens de la part de certains. C’est également lutter contre les causes
structurelles de la pauvreté, de l’inégalité, du manque de travail, de terre et de
logement, de la négation des droits sociaux et du travail. C’est faire face aux
effets destructeurs de l’Empire de l’argent. […] La solidarité, entendue dans son
sens le plus profond, est une façon de faire l’histoire et c’est ce que font les
mouvements populaires» (Fratelli tutti, n. 116).
C’est à travers ces paroles que je m’adresse à vous, participants à la 109
e
Conférence internationale du travail, car en tant qu’acteurs institutionnalisés du
monde du travail, vous avez une grande opportunité d’influencer les processus
de changement déjà en cours. Votre responsabilité est grande, mais le bien que
vous pouvez obtenir est encore plus grand. Je vous invite donc à répondre au
défi qui se présente à nous. Les acteurs établis peuvent compter sur l’héritage
de leur histoire, qui continue d’être un ressource d’une importance
fondamentale, mais dans cette phase historique, ils sont appelés à demeurer
ouverts au dynamisme de la société et à promouvoir l’entrée en scène et
l’inclusion d’acteurs moins traditionnels et plus marginaux, qui sont porteurs
d’élans alternatifs et innovateurs.
Je demande aux dirigeants politiques et à ceux qui travaillent auprès des
gouvernements de s’inspirer toujours de la forme d’amour qu’est la charité
politique: «L’engagement tendant à organiser et à structurer la société de façon
à ce que le prochain n’ait pas à se trouver dans la misère est un acte de charité
tout aussi indispensable. C’est de la charité que d’accompagner une personne
qui souffre, et c’est également charité tout ce qu’on réalise, même sans être
directement en contact avec cette personne, pour changer les conditions sociales
qui sont à la base de sa souffrance. Si quelqu’un aide une personne âgée à
traverser une rivière, et c’est de la charité exquise, le dirigeant politique lui
construit un pont, et c’est aussi de la charité. Si quelqu’un aide les autres en leur
donnant de la nourriture, l’homme politique crée pour lui un poste de travail et il
exerce un genre très élevé de charité qui ennoblit son action politique» (Fratelli
tutti, n. 186).
Je rappelle aux entrepreneurs leur véritable vocation: produire de la richesse au
service de tous. L’activité entrepreneuriale est essentiellement «une vocation
noble orientée à produire de la richesse et à améliorer le monde pour tous. Dieu
nous promeut; il attend de nous que nous exploitions les capacités qu’il nous a
données et il a rempli l’univers de ressources. Dans ses desseins, chaque
homme est appelé à se développer, et cela comprend le développement des
capacités économiques et technologiques d’accroître les biens et d’augmenter la
richesse. Mais dans tous les cas, ces capacités des entrepreneurs, qui sont un
don de Dieu, devraient être clairement ordonnées au développement des autres
personnes et à la suppression de la misère, notamment par la création de
sources de travail diversifiées. A côté du droit à la propriété privée, il y a
toujours le principe, plus important et prioritaire, de la subordination de toute
propriété privée à la destination universelle des biens de la terre et, par
conséquent, le droit de tous à leur utilisation» (Fratelli tutti, n. 123). Parfois, en
parlant de propriété privée, nous oublions qu’il s’agit d’un droit secondaire, qu’il
dépend de ce droit primaire, qui est la destination universelle des biens.
J’invite les syndicalistes et les dirigeants des associations de travailleurs à ne pas
se laisser enfermer dans une «camisole de force», à se concentrer sur les
situations concrètes des quartiers et des communautés dans lesquelles ils
opèrent, en affrontant dans le même temps des questions liées aux politiques
économiques plus amples et aux «macro-relations». Dans cette phase historique
également, le mouvement syndical doit faire face à deux défis très importants.
Le premier est la prophétie, liée à la nature même des syndicats, à leur
vocation plus authentique. Les syndicats sont une expression du profil
prophétique de la société. Les syndicats naissent et renaissent chaque fois que,
comme les prophètes bibliques, ils prêtent leur voix à ceux qui n’en n’ont pas,
dénoncent ceux qui «vendraient […] le pauvre pour une paires de sandales»,
comme le dit le prophète (cf. Am 2, 6), en mettant à nu les puissants qui foulent
aux pieds les droits des travailleurs plus vulnérables, défendent la cause des
étrangers, des derniers et des exclus. Bien sûr, quand un syndicat est corrompu,
il ne peut plus le faire et se transforme en un statut de pseudo-employeur,
lui-même éloigné du peuple.
Le deuxième défi: l’innovation. Les prophètes sont des sentinelles qui veillent
depuis leur poste d’observation. Les syndicats doivent eux aussi surveiller les
murs de la cité du travail, comme un garde qui surveille et protège ceux qui sont
à l’intérieur de la cité du travail, mais qui surveille et protège également ceux
qui sont hors des murs. Les syndicats n’accomplissent pas leur fonction
fondamentale d’innovation sociale s’ils ne protègent que les retraités. Cela aussi
doit être fait, mais ce n’est que la moitié de votre travail. Votre vocation est
également de protéger ceux qui n’ont pas encore de droits, ceux qui sont exclus
du travail et qui sont exclus également des droits et de la démocratie.
Chers participants aux processus tripartites de l’Organisation internationale du
travail et de cette Conférence internationale du travail, l’Eglise vous soutient,
marche à vos côtés. L’Eglise met à disposition ses ressources, en commençant
par ses ressources spirituelles et par sa doctrine sociale. La pandémie nous a
enseigné que nous sommes tous sur la même barque, et que ce n’est
qu’ensemble que nous pourrons sortir de la crise. Merci.

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PAPE FRANÇOIS ANGÉLUS

A l’issue de l’Angelus, le Pape a ajouté les paroles suivantes:
Chers frères et sœurs!
[…] Cet après-midi se déroulera à Augusta, en Sicile, la cérémonie d’accueil de
l’épave du bateau qui a fait naufrage le 18 avril 2015. Que ce symbole de
nombreuses tragédies dans la mer Méditerranée continue à interpeller la
conscience de tous et favorise la croissance d’une humanité plus solidaire, qui
abatte le mur de l’indifférence. Réfléchissons-y: la Méditerranée est devenue le
plus grand cimetière d’Europe. […]