8 décembre 2014 | Message

MESSAGE DU PAPE FRANÇOIS POUR LA CÉLÉBRATION DE LA XLVIIIe JOURNÉE MONDIALE DE LA PAIX NON PLUS ESCLAVES, MAIS FRÈRES

[…] Je pense aussi aux conditions de vie de nombreux migrants qui, dans leur
dramatique parcours, souffrent de la faim, sont privés de liberté, dépouillés de leurs
biens ou abusés physiquement et sexuellement. Je pense à ceux d’entre eux qui,
arrivés à destination après un voyage dans des conditions physiques très dures et
dominé par la peur et l’insécurité, sont détenus dans des conditions souvent
inhumaines. Je pense à ceux d’entre eux que les diverses circonstances sociales,
politiques et économiques poussent à vivre dans la clandestinité, et à ceux qui,
pour rester dans la légalité, acceptent de vivre et de travailler dans des conditions
indignes, spécialement quand les législations nationales créent ou permettent une
dépendance structurelle du travailleur migrant par rapport à l’employeur, en
conditionnant, par exemple, la légalité du séjour au contrat de travail… Oui, je
pense au « travail esclave »..[…]
[…] Je ne peux pas ne pas penser à tous ceux qui, mineurs ou adultes, font l’objet
de trafic et de commerce pour le prélèvement d’organes, pour être enrôlés comme
soldats, pour faire la mendicité, pour des activités illégales comme la production ou
la vente de stupéfiants, ou pour des formes masquées d’adoption
internationale.[…]
[…] À côté de cette cause ontologique – refus de l’humanité dans l’autre –, d’autres
causes concourent à expliquer les formes contemporaines d’esclavage. Parmi elles,
je pense surtout à la pauvreté, au sous-développement et à l’exclusion,
spécialement quand ils se combinent avec le manque d’accès à l’éducation ou avec
une réalité caractérisée par de faibles, sinon inexistantes, opportunités de travail.
Fréquemment, les victimes de trafic et de d’asservissement sont des personnes qui
ont cherché une manière de sortir d’une condition de pauvreté extrême, en croyant
souvent à de fausses promesses de travail, et qui au contraire sont tombées entre
les mains de réseaux criminels qui gèrent le trafic d’êtres humains. Ces réseaux
utilisent habilement les technologies informatiques modernes pour appâter des
jeunes, et des très jeunes, partout dans le monde.
De même, la corruption de ceux qui sont prêts à tout pour s’enrichir doit être
comptée parmi les causes de l’esclavage. En effet, l’asservissement et le trafic des
personnes humaines requièrent une complicité qui souvent passe par la corruption
des intermédiaires, de certains membres des forces de l’ordre ou d’autres acteurs
de l’État ou de diverses institutions, civiles et militaires. « Cela arrive quand au
centre d’un système économique se trouve le dieu argent et non l’homme, la
personne humaine. Oui, au centre de tout système social ou économique doit se
trouver la personne, image de Dieu, créée pour être le dominateur de l’univers.

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Quand la personne est déplacée et qu’arrive le dieu argent se produit ce
renversement des valeurs »[5]. […]
[…] 5. Souvent, en observant le phénomène de la traite des personnes, du trafic
illégal des migrants et d’autres visages connus et inconnus de l’esclavage, on a
l’impression qu’il a lieu dans l’indifférence générale.
Si, malheureusement, cela est vrai en grande partie, je voudrais cependant
rappeler l’immense travail silencieux que de nombreusescongrégations religieuses,
surtout féminines, réalisent depuis de nombreuses années en faveur des victimes.
Ces instituts œuvrent dans des contextes difficiles, dominés parfois par la violence,
en cherchant à briser les chaînes invisibles qui lient les victimes à leurs trafiquants
et exploiteurs ; des chaînes dont les mailles sont faites de mécanismes
psychologiques subtils qui rendent les victimes dépendantes de leurs bourreaux par
le chantage et la menace, pour eux et leurs proches, mais aussi par des moyens
matériels, comme la confiscation des documents d’identité et la violence physique.
L’action des congrégations religieuses s’articule principalement autour de trois
actions : le secours aux victimes, leur réhabilitation du point de vue psychologique
et de la formation, et leur réintégration dans la société de destination ou
d’origine.[…]
[…] Le organizzazioni intergovernative, conformemente al principio di sussidiarietà,
sono chiamate ad attuare iniziative coordinate per combattere le reti transnazionali
del crimine organizzato che gestiscono la tratta delle persone umane ed il traffico
illegale dei migranti. Si rende necessaria una cooperazione a diversi livelli, che
includa cioè le istituzioni nazionali ed internazionali, così come le organizzazioni
della società civile ed il mondo imprenditoriale.
[…]Les entreprises[6], en effet, ont le devoir de garantir à leurs employés des
conditions de travail dignes et des salaires convenables, mais aussi de veiller à ce
que des formes d’asservissement ou de trafic de personnes humaines n’aient pas
lieu dans les chaînes de distribution. La responsabilité sociale de l’entreprise est
accompagnée par la responsabilité sociale du consommateur. En effet, chaque
personne devrait avoir conscience qu’« acheter est non seulement un acte
économique mais toujours aussi un acte moral »[7]. […]
[…] Ces dernières années, le Saint-Siège, en accueillant le cri de douleur des
victimes du trafic et la voix des congrégations religieuses qui les accompagnent
vers la libération, a multiplié les appels à la communauté internationale afin que les
différents acteurs unissent leurs efforts et coopèrent pour mettre un terme à ce
fléau[8]. De plus, certaines rencontres ont été organisées dans le but de donner
une visibilité au phénomène de la traite des personnes et de faciliter la
collaboration entre divers acteurs, dont des experts du monde académique et des
organisations internationales, des forces de l’ordre de différents pays de
provenance, de transit et de destination des migrants, et des représentants des
groupes ecclésiaux engagés en faveur des victimes. Je souhaite que cet
engagement continue et se renforce dans les prochaines années.
Globaliser la fraternité, non l’esclavage ni l’indifférence

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6. Dans son œuvre d’« annonce de la vérité de l’amour du Christ dans la société
»[9], l’Église s’engage constamment dans les actions de caractère caritatif à partir
de la vérité sur l’homme. Elle a la tâche de montrer à tous le chemin vers la
conversion, qui amène à changer le regard sur le prochain, à reconnaître dans
l’autre, quel qu’il soit, un frère et une sœur en humanité, à en reconnaître la dignité
intrinsèque dans la vérité et dans la liberté, comme nous l’illustre l’histoire de
Joséphine Bakhita, la sainte originaire de la région du Darfour au Soudan, enlevée
par des trafiquants d’esclaves et vendue à des maîtres terribles dès l’âge de neuf
ans, et devenue ensuite, à travers de douloureux événements, ‘‘libre fille de Dieu’’
par la foi vécue dans la consécration religieuse et dans le service des autres,
spécialement des petits et des faibles. Cette sainte, qui a vécu entre le XIXème et le
XXèmesiècle, est aujourd’hui un témoin et un modèle d’espérance[10] pour les
nombreuses victimes de l’esclavage, et elle peut soutenir les efforts de tous ceux
qui se consacrent à la lutte contre cette « plaie dans le corps de l’humanité
contemporaine, une plaie dans la chair du Christ »[11].
Dans cette perspective, je désire inviter chacun, dans son rôle et dans ses
responsabilités particulières, à faire des gestes de fraternité à l’égard de ceux qui
sont tenus en état d’asservissement. Demandons-nous comment, en tant que
communauté ou comme individus, nous nous sentons interpellés quand, dans le
quotidien, nous rencontrons ou avons affaire à des personnes qui pourraient être
victimes du trafic d’êtres humains, ou quand nous devons choisir d’acheter des
produits qui peuvent, en toute vraisemblance, avoir été fabriqués par l’exploitation
d’autres personnes. Certains d’entre nous, par indifférence ou parce qu’assaillis par
les préoccupations quotidiennes, ou pour des raisons économiques, ferment les
yeux. D’autres, au contraire, choisissent de faire quelque chose de positif, de
s’engager dans les associations de la société civile ou d’effectuer de petits gestes
quotidiens – ces gestes ont tant de valeur ! – comme adresser une parole, une
salutation, un « bonjour », ou un sourire, qui ne nous coûtent rien mais qui peuvent
donner l’espérance, ouvrir des voies, changer la vie d’une personne qui vit dans
l’invisibilité, et aussi changer notre vie par la confrontation à cette réalité.[…]