12 janvier 2015 | Discours du Saint-Père

DISCOURS DU PAPE FRANÇOIS AUX MEMBRES DU CORPS DIPLOMATIQUE ACCRÉDITÉ AUPRÈS DU SAINT-SIÈGE

Salle Royale

[…] Des formes semblables de brutalité, qui fauchent souvent des victimes parmi
les plus petits et ceux qui sont sans défense, ne manquent pas non plus,
malheureusement, dans d’autres parties du monde. Je pense en particulier au
Nigeria, où les violences qui frappent sans discernement la population ne cessent
pas, et où le phénomène tragique des séquestrations de personnes est en
croissance continue, souvent des jeunes filles enlevées pour faire l’objet d’un trafic.
C’est un commerce exécrable qui ne peut pas continuer ! Une plaie qu’il faut
éradiquer car elle nous concerne tous, depuis chaque famille jusqu’à la
communauté mondiale tout entière (cf. Discours aux nouveaux Ambassadeurs
accrédités près le Saint-Siège, 12 décembre 2013). […]
[…] À côté des vies rejetées à cause des guerres ou des maladies, il y a celles des
nombreuses personnes déplacées et réfugiées. Encore une fois on en comprend les
aspects à partir de l’enfance de Jésus, qui témoigne d’une autre forme de la culture
du déchet qui porte atteinte aux relations et « défait » la société. En effet, face à la
brutalité d’Hérode, la Sainte Famille est contrainte à fuir en Égypte, d’où elle pourra
revenir seulement quelques années plus tard (cf. Mt 2, 13-15). La conséquence des
situations de conflit que nous venons de décrire est souvent la fuite de milliers de
personnes de leur terre d’origine. Parfois on ne part pas tant pour chercher un
avenir meilleur, mais tout simplement pour avoir un avenir, puisque rester dans
son pays peut signifier une mort certaine. Combien de personnes perdent la vie
dans des voyages inhumains, soumises aux brimades de véritables bourreaux
avides d’argent ? J’en ai fait mention au cours de ma récente visite au Parlement
Européen, en rappelant qu’« on ne peut tolérer que la Mer Méditerranée devienne
un grand cimetière » (Discours au Parlement Européen, Strasbourg, 25 novembre
2014). Il y a ensuite un autre fait alarmant : beaucoup de migrants, surtout dans
les Amériques, sont des enfants seuls, proies plus faciles des dangers, et qui
demandent davantage de soin, d’attention et de protection.
Souvent arrivés sans papiers d’identité dans des contrées inconnues dont ils ne
parlent pas la langue, il est difficile pour les migrants d’être accueillis et de trouver
du travail. Au-delà des incertitudes de la fuite, ils sont contraints d’affronter aussi le
drame du refus. Un changement d’attitude à leur égard est donc nécessaire, pour
passer du désintérêt et de la peur à une acceptation sincère de l’autre. Cela
requiert naturellement de « mettre en acte des législations adéquates qui sachent
en même temps protéger les droits des citoyens (…) et garantir l’accueil des
migrants » (ibid). En remerciant tous ceux qui, même au prix de leur vie,
s’emploient à porter secours aux réfugiés et aux migrants, j’exhorte aussi bien les
États que les Organisations internationales à s’engager activement pour résoudre
ces graves situations humanitaires et à fournir aux pays d’origine des migrants des
aides pour en favoriser le développement socio-politique et le dépassement des

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conflits internes, qui sont la principale cause de ce phénomène. « Il est nécessaire
d’agir sur les causes et non seulement sur les effets » (ibid). Du reste, cela
permettra aux migrants de retourner un jour dans leur patrie et de contribuer à sa
croissance et à son développement.
Mais à côté des migrants, des déplacés et des réfugiés, il y a beaucoup d’autres «
exilés cachés » (Angelus, 29 décembre 2013), qui vivent à l’intérieur de nos
maisons et de nos familles. Je pense surtout aux personnes âgées et aux personnes
handicapées, comme aussi aux jeunes. Les premières sont objet de rebut quand
elles sont considérées comme un poids et comme des « présences encombrantes »
(ibid.), tandis que les derniers sont mis à l’écart en niant leurs perspectives
concrètes de travail pour construire leur avenir. D’autre part, il n’existe pas pire
pauvreté que celle qui prive du travail et de la dignité du travail (cf. Discours aux
participants à la rencontre mondiale avec les Mouvements populaires, 28 octobre
2014), et qui fait du travail une forme d’esclavage. C’est ce que j’ai voulu rappeler
au cours d’une rencontre récente avec les mouvements populaires, qui s’emploient
avec dévouement à rechercher des solutions adéquates à certains problèmes de
notre temps, comme la plaie toujours plus étendue du chômage des jeunes et du
travail au noir, et le drame de beaucoup de travailleurs, spécialement des enfants,
exploités avec avidité. Tout cela est contraire à la dignité humaine et dérive d’une
mentalité qui place au centre l’argent, les bénéfices et les profits économiques au
détriment de l’homme lui-même. […]
[…] Un témoignage éloquent que la culture de la rencontre est possible, je l’ai
expérimenté au cours de ma visite en Albanie, Nation pleine de jeunes, qui sont
l’espérance pour l’avenir. Malgré les blessures endurées dans l’histoire récente, le
pays est caractérisé par « la cohabitation pacifique et la collaboration entre ceux
qui appartiennent à différentes religions » (Discours aux Autorités, Tirana, 21
septembre 2014) dans un climat de respect et de confiance réciproque entre
catholiques, orthodoxes et musulmans. C’est un signe important qu’une foi sincère
en Dieu ouvre à l’autre, engendre dialogue et action pour le bien, alors que la
violence naît toujours d’une mystification de la religion elle-même, adoptée en
prétextant des projets idéologiques qui ont comme unique but la domination de
l’homme sur l’homme. Également, au cours de mon récent voyage en Turquie, pont
historique entre Orient et Occident, j’ai pu constater les fruits du dialogue
œcuménique et interreligieux, ainsi que l’engagement envers les réfugiés provenant
des autres pays du Moyen-Orient. J’ai retrouvé cet esprit d’accueil aussi en
Jordanie, que j’ai visitée au début de mon pèlerinage en Terre Sainte, comme aussi
dans le témoignage venu du Liban, à qui je souhaite de dépasser les difficultés
politiques actuelles. […]